par Lazuli » 03 avr. 2015, 15:24
Aussi loin que puisse remonter la mémoire d'un peuple, la vie est composée d'une succession de journées.
Certaines sont agréables et s'écoulent, du matin au soir, sans que l'on s'en aperçoive. Il y a les aubes de printemps
qui emplissent les coeurs de bonne humeur, les bons repas et les ivresses qui éclipsent les soucis, les idylles, les récoltes
abondantes... D'autres journées ont un goût plus amer et égrennent leurs minutes interminablement, comme un sablier qui contiendrait
à lui seul le grand Désert. Nous parlons de ces sombres crépuscules, annonciateur d'une longue nuit d'hiver durant laquelle le froid
s'insinue jusque dans vos os, de ces longues marches sur des chemins caillouteux, du labeur sous le soleil brûlant, de ces matinées
qui succèdent les soirées arrosées...
Toutes ces journées s'entremêlent et se répètent, les unes après les autres, dans ce cycle que l'on appelle la vie quotidienne.
A peine terminées, elles laissent leur place au lendemain et il ne reste d'elles pas plus de souvenirs que ceux d'une dune
déplacée par le vent. Et pourtant...
Pourtant, quelques rares exceptions se démarquent des autres et se fixent dans les mémoires. Ces journées là, on en parle de
génération en génération. Et c'est justement l'une de ces journées qui a commencé ce matin !
Dans le Chaudron, le quartier pauvre de Balamoun, un groupe de quelques hommes d'armes, menés par un supérieur de la Garde,
a pris possession des alentours du dispensaire.
Rapidement, un périmètre de sécurité a été établi et des tables ont été installées
dehors. Sur celles-ci ont été déposés de gros sacs en toile, plein à craquer de nourriture.
Parmi les gardes se tenait une jeune femme, prêtresse d'Horosis, pour superviser le bon déroulement des évènements.
Un homme est passé près d'elle, dehors, curieux, et il ne se passa pas plus d'une seconde avant que ses
yeux ne s'écarquillent devant un tel spectacle. Aussitôt, il en oublia son pas trainant, sa fatigue et
son humeur résignée pour partir, courant à toute jambe, clamer la bonne nouvelle :
"A MANGER ! LA NOURRITURE EST LA ! VENEZ TOUS ! A MANGER !"
Un deuxième homme apparu, suivi d'un troisième. Puis ce fut une femme. S'en vînt une seconde,
avec des enfants, et bientôt la place se remplit de pauvres hères, avec dans le regard une étincelle
d'espoir, un feu nouveau que la couleur terne des vêtements usés, des visages encrassés et de la souffrance
ne parvînt pas à étouffer.
On put entendre une clameur se lever dans les ruelles, dans les logements et sur les toits. Des cris, des chants,
des rires. Le quartier, jusque là si triste et silencieux, s'emplit d'une symphonie de voix. A tel point que cela
en devint assourdissant !
Le Chaudron se remplit, le Chaudron bouillonna, la distribution avait commencé !
Il s'est amassé là une multitude comme on en avait jamais vu auparavant. Les gens se sont pressés et bousculés, forçant
les gardes à redoubler d'efforts pour garder le contrôle de la situation.
Puis l'on vit la prêtresse bondir et filer telle une flèche pour disparaître dans la foule.
Des cris s'élevèrent, étouffés malheureusement par ceux de la foule et l'on ne saura jamais exactement ce qui s'est joué là.
Quoiqu'il en soit, des gardes finirent par se détacher de leur groupe pour créer une brèche dans l'attroupement et en extirper la jeune
femme, les vêtements salis et les cheveux en bataille. Cette dernière tenait dans ses bras une enfant décharnée à qui elle venait d'éviter
une mort certaine par piétinnement.
Le soir tombe à présent sur Balamoun et alors que le soleil rend les armes, on entend murmurer dans la foule quelques interrogations.
- Qui est cette prêtresse ?
- Vous avez vu ce qu'elle a fait ?
- Elle a sauvé l'enfant !
- Il parait que c'est elle qui a rassemblé la nourriture.
- Elle dit qu'Horosis marche à son côté.
Bientôt, c'est un prénom qui est sur toutes les lèvres, qui se parle, se crie, s'échange et se repète dans tout le quartier.
Les rues, d'ordinaire si calmes, étaient déjà devenues bien agitées depuis le début de la journée, mais ce n'est rien
comparé à l'effervescence qui survient à présent.
Cette fois les clameurs dépassent les limites du quartier et c'est dans toute la ville que l'on scande le même nom :
"Feen ! Feen ! Feen !"
Plus tard, c'est sur, il se dira que même Pharaon l'a entendu depuis son palais doré de la Cité Sacrée.
Aussi loin que puisse remonter la mémoire d'un peuple, la vie est composée d'une succession de journées.
Certaines sont agréables et s'écoulent, du matin au soir, sans que l'on s'en aperçoive. Il y a les aubes de printemps
qui emplissent les coeurs de bonne humeur, les bons repas et les ivresses qui éclipsent les soucis, les idylles, les récoltes
abondantes... D'autres journées ont un goût plus amer et égrennent leurs minutes interminablement, comme un sablier qui contiendrait
à lui seul le grand Désert. Nous parlons de ces sombres crépuscules, annonciateur d'une longue nuit d'hiver durant laquelle le froid
s'insinue jusque dans vos os, de ces longues marches sur des chemins caillouteux, du labeur sous le soleil brûlant, de ces matinées
qui succèdent les soirées arrosées...
Toutes ces journées s'entremêlent et se répètent, les unes après les autres, dans ce cycle que l'on appelle la vie quotidienne.
A peine terminées, elles laissent leur place au lendemain et il ne reste d'elles pas plus de souvenirs que ceux d'une dune
déplacée par le vent. Et pourtant...
Pourtant, quelques rares exceptions se démarquent des autres et se fixent dans les mémoires. Ces journées là, on en parle de
génération en génération. Et c'est justement l'une de ces journées qui a commencé ce matin !
Dans le Chaudron, le quartier pauvre de Balamoun, un groupe de quelques hommes d'armes, menés par un supérieur de la Garde,
a pris possession des alentours du dispensaire.
Rapidement, un périmètre de sécurité a été établi et des tables ont été installées
dehors. Sur celles-ci ont été déposés de gros sacs en toile, plein à craquer de nourriture.
Parmi les gardes se tenait une jeune femme, prêtresse d'Horosis, pour superviser le bon déroulement des évènements.
Un homme est passé près d'elle, dehors, curieux, et il ne se passa pas plus d'une seconde avant que ses
yeux ne s'écarquillent devant un tel spectacle. Aussitôt, il en oublia son pas trainant, sa fatigue et
son humeur résignée pour partir, courant à toute jambe, clamer la bonne nouvelle :
"A MANGER ! LA NOURRITURE EST LA ! VENEZ TOUS ! A MANGER !"
Un deuxième homme apparu, suivi d'un troisième. Puis ce fut une femme. S'en vînt une seconde,
avec des enfants, et bientôt la place se remplit de pauvres hères, avec dans le regard une étincelle
d'espoir, un feu nouveau que la couleur terne des vêtements usés, des visages encrassés et de la souffrance
ne parvînt pas à étouffer.
On put entendre une clameur se lever dans les ruelles, dans les logements et sur les toits. Des cris, des chants,
des rires. Le quartier, jusque là si triste et silencieux, s'emplit d'une symphonie de voix. A tel point que cela
en devint assourdissant !
Le Chaudron se remplit, le Chaudron bouillonna, la distribution avait commencé !
Il s'est amassé là une multitude comme on en avait jamais vu auparavant. Les gens se sont pressés et bousculés, forçant
les gardes à redoubler d'efforts pour garder le contrôle de la situation.
Puis l'on vit la prêtresse bondir et filer telle une flèche pour disparaître dans la foule.
Des cris s'élevèrent, étouffés malheureusement par ceux de la foule et l'on ne saura jamais exactement ce qui s'est joué là.
Quoiqu'il en soit, des gardes finirent par se détacher de leur groupe pour créer une brèche dans l'attroupement et en extirper la jeune
femme, les vêtements salis et les cheveux en bataille. Cette dernière tenait dans ses bras une enfant décharnée à qui elle venait d'éviter
une mort certaine par piétinnement.
Le soir tombe à présent sur Balamoun et alors que le soleil rend les armes, on entend murmurer dans la foule quelques interrogations.
- Qui est cette prêtresse ?
- Vous avez vu ce qu'elle a fait ?
- Elle a sauvé l'enfant !
- Il parait que c'est elle qui a rassemblé la nourriture.
- Elle dit qu'Horosis marche à son côté.
Bientôt, c'est un prénom qui est sur toutes les lèvres, qui se parle, se crie, s'échange et se repète dans tout le quartier.
Les rues, d'ordinaire si calmes, étaient déjà devenues bien agitées depuis le début de la journée, mais ce n'est rien
comparé à l'effervescence qui survient à présent.
Cette fois les clameurs dépassent les limites du quartier et c'est dans toute la ville que l'on scande le même nom :
"Feen ! Feen ! Feen !"
Plus tard, c'est sur, il se dira que même Pharaon l'a entendu depuis son palais doré de la Cité Sacrée.