par Eymindalë Lomorwenn » 17 mars 2022, 12:12
Le Ts’raal prêtre de Kaïn laissa à la bande de morveux une corbelle entière de fruits faits du soleil de l’aride Balamoun. Et les enfants croquaient, s’en suçaient même les doigts, oubliant que leurs parents peuplaient les cauchemars de sauriens.
– Alors, t’as une histoire ? postillonnait le mouflet.
Eymindalë se redressa comme s’étiraient les chattes.
– En tout cas, les petits, ça sera bien meilleur que ces histoires d'elfes qui mangent des enfants, ou même des gens : c'est des histoires, c’est même pas drôle, et c'est n'importe quoi. (Un sourire appuyé.) Vous voulez une histoire entièrement rigolote ? Hmm…
(Son index et un demi-sourire taquin et complice désignaient les enfants, comme si elle et eux étaient de joyeux drilles se comprenant d'instinct.)
– Mais, bon, je vous vois venir, les enfants, vous êtes du genre à vouloir une histoire drôle, mais aussi pleine d'aventure, et une histoire, en plus, qui plairait à une princesse devenue reine, voui voui ! Non ?
Bon, ça tombe bien.
Je vais vous raconter l'histoire (elle désigna une épée en bois, battant sa hanche) de cette épée légendaiiiiiire – ah mais si, légendaire ! – qui a fait sourire la princesse Nisha, devenue reine de Balamoun en épousant son frère, le souverain Pharaon. (Son index pointa la corbeille vide.) Là d’où venaient les fruits.
– Pouaah ! C'est cochon de faire des bisous à sa sœur !
– Moi, ma maman elle a épousér son cousin, mais pô son frère, oh non jamais !
– Mais les fruits ils sont bons, alors peut-être que… ?
La sylvaine haussa un sourcil, continua comme si de rien.
– Et après, si vous en voulez encore, je ramènerai Caroline. Hmm. La tortue, la Caro, votre copine.
Avec des écailles, une carapace… C’est les Ts’raals que vous aimez, bande de petits trous du cul.
Avec une nonchalante élégance, la ménestrelle remisa derrière l’oreille une mèche ondulante qui naissait sur sa tempe, et laissa s’étirer un silence, durant lequel elle regarda les enfants, puis l'assistance, comme si elle fut, pour l’aventure d’un instant, une complice chère, suggérée à la manière des cils qui caressent : de loin et comme s’il n’en était rien.
– La fabuleuse légende de cette épée de bois (qu’elle câlina, du bout des doigts)
Débute sans qu’on m’entende ni même qu’on me voit :
C’est que je me baladais, en chantant la-la-la
Me perdant dans Forêt – oh oui au moins deux fois !
(soupir d’une auto-dérision théâtrale, tandis que ses yeux jouaient le désespoir insouciant)
Une pie malicieuse m’attirait vers des trolls
(yeux ronds et frisson)
Les chênes s’amusaient à se changer en ifs…
Les mousses astucieuses se firent farandole
Et pour ma part j’osais leur confier mon esquif
Elles sont une boussole qui toujours pointe au nord
Ainsi donc j’amarrais dans un bois cousu d’or
Et d’un dernier survol
(signe de l’index, faisant solennellement « non »)
sans trompette sonore
Fis-je un dernier arrêt vers un cerf qui s’endort
(un silence s’étirait, des anges s’y nichant)
Le cerf
Si noble et majestueux
La forêt le couronne
(Elle parut projeter loin son regard, jusqu’à ce lieu, peut-être – un sourire soudain, ainsi elle en revint.)
J’arrivais aux montagnes, j’y avais rendez-vous
Près d’une sente calme aux portes du désert
Que les tempêtes accompagnent… Sans qu’on ne s’y dévoue
Un étranger déclame : aux sables surnuméraires
Il préfère se soustraire. Habillé d’un caftan
Tissé en Balamoun ; son visage est voilé
Il ne veut s’en abstraire. Et moi pour tout passe-temps
J’écoute sa scoumoune. Les cieux sont étoilés
Et moi bien ennuyée car voici qu’à présent
Il fait une promesse : contre dix pièces d’or
Il lit la destinée.
(Elle sourit en contenant la gourmandise d’un rire voulant éclore)
Je lui dis : – Mais encore ?
Le voici qui professe : – mon nimbe omniprésent
Révèle son firmament à l’art divinatoire…
Je soupire doucement car je me sais curieuse
Préférant tellement faire, que des regrets le dard
Voici donc mon affaire, divination rieuse :
(elle plisse les yeux, travestit sa voix, y insufflant des brumes tressautant un peu aux tintements de ses sourires)
– Tu dois trouver l’Errant !
Dit-il. – Tu comprendras quand tu l’auras trouvé. Il partait.
– Qu’il m’attende ! décidais-je. Il comprendra à tant s’y égarer.
(Elle eut un ballet de mains, qu’elle laissa s’évanouir lentement.)
– Je trouvais lors refuge dans les maisons de suie
Près des cavernes obscures, à Sancte fut cataclysme
Charbon y est déluge, vivre, un surréalisme
Là est la sinécure de l’être qui s’ensuit :
(Elle fléchit les genoux pour se raccourcir et mimait un marionnettiste, devisant avec ses deux mains et ayant l’air assez éberlué.)
Il avait quatre têtes dont l’une était perdue
Il la cherchait sans cesse, mais nul ne l’entendait
J’observais ses faciès, sa complainte éperdue
Et ses manières d’esthète comme ce qu’il demandait
Il était fait d’un homme, d’un nain et un gobelin
Et s’il trouvait le vrai, il ne pouvait l’étreindre
Pas même un minimum : nulle main ne venait poindre
Sa tête absente œuvrait au royaume des nains
(Elle fit d’une main une bouche.)
– Ô douce demoiselle ! Retrouvez-donc ce Well !
(L’autre main y abondait, puis à chaque rime du couplet, une main répondait à l’autre.)
– Je vous en prie sylvaine, donne-nous de ses nouvelles !
Well fait bien trop de zèle, il cherche royaume des nains
Mais nous quelle déveine ! Son absence est venin »
Le Royaume des Nains...
(Elle feignit en écouter l’écho, dans les hauteurs lointaines.)
Si froides sont les pierres
Leur mémoire
Vit et brûle
(Elle répéta le dernier vers de son évocation de l’évanescence des choses.)
Il pleurait une langue que personne n’entendait
Et sa détresse exsangue était son glorieux dais
Je trouvais les fissures et pansait sa souffrance
Et sans égratignure, je déclenchais sa transe :
(Elle prit une voix rauque, du moins, affecta prendre une voix rauque.)
« Amis j’ai croisé Well ! »
(Elle plaça sa main pour faire aparté à l’assistance.)
Non ce n’était pas vrai
Mais à vous je révèle :
Sa détresse me navrait
Et j’avais bien compris que son âme divaguait
Alors pour son esprit mon daguet zigzaguait :
(De geste, l’aparté cessait.)
« Il m’a dit : va les voir ! Dis-leur que mon espoir
Est qu’ils te reconnaissent, que leur défiance s’affaisse,
Qu’ils sortent des tours d’ivoire, qu’en souvenir de ma poire
Ils te fassent la confesse du secret-forteresse ! »
(Elle prit une voix rauque, du moins, affecta prendre une voix rauque.)
« Tu es donc son amie » à la quatrième tête
(précisa-t-elle une main en paravent, tel qu’on le ferait d’un secret, avant de reprendre sa pantomime)
– Et il va bien tu dis ! Peut-être es-tu donc faite
Pour tenir la légende… C’est la fin des défaites
Et nos vies en dépendent… Te sens-tu vraiment prête ?
– Mais à quoi je vous prie ? Il ne m’a pas conté
M’assurant bien qu’ici, tout serait relaté…
(Je faisais même la moue)
– La clé de ce mystère ?
C’est l’épée légendaire qui seule vainc les Enfers !
Vous joindrez-vous à nous ? » J’avais à peine du fer
Mais l’audace jusqu’aux joues : – Qui seule vainc quels Enfers ?
– Les démons de la nuit et le Cerbère putride !
– Ah ah, bien sûr, oui oui ! (je m’en faisais des rides)
L’Errant rappelez-vous me prédisait destin :
« Tu dois trouver l’Épée…
(mouvement de balancier, moue de celle qui s’apprêtait à hériter d’une joyeuse plaie)
...Et tu sauras après. »
Eh bien maintenant je sais, mais comment donc qu’on fait ?
– Oh comme elle se dévoue, sans peur d’être un festin !
– Ah ah, oui oui, bien sûr… Je me sens très sécure…
(J’en tremblais des fémurs, sans tagada-tsoin tsoin
Et craignais de mourir, de sonner mon tocsin
Mais ne pouvais tenir, en toute désinvolture)"
[Elle eut un rire fait d’un souffle joliment – si, si – saccadé, et reprit]
Rire et mourir
C’est respecter la Vie
C’est honorer la Mort
[Elle parut soupeser ses mots, à la fois contentée et inquiète ; chassa un frisson.]
Contemplant la caverne, chauve-souris en nuées
Se faisaient sentinelles des ruines du château
Où gît – sans balivernes ! l’épée sous les linteaux
Je me veux rationnelle mais j’en ai des suées
Mon cœur bat la chamade, ma torche est allumée
Et ma plus fière armure ne manque pas d’allure
C’est ma brave couverture, rêche de musculature…
(Elle mimait sa geste emmitouflée, lumière brandie.)
J’avance pleine de saccades, je vais les enfumer
Elles s’en vont à tire-d’ailes, j’entends des coups sonner
Voici maintenant qu’ils viennent, les démons mentionnés !
(sursaut)
Ils me frappent, me querellent…
(main sur la poitrine, crispée de douleur)
Ah, non, c’était mon cœur
Ma seule et unique peine, haletante de frayeur…
(Elle esquisse la pantomime d’une avancée méticuleuse, prudente, regardant les cieux comme l’on ausculterait les galeries d’une grotte, tendant l’oreille et plissant les yeux – soudain, un tressaillement.)
Voici le fier castel, cette baraque ruinée
Je trouve une vieille enseigne, « château » y est marqué
J’y exhume des dentelles, des froufrous chagrinés
Une vieille chandelle, un peigne,
(Elle touche, affectant un triomphe burlesque avec pourtant une grande sobriété de gestes et d’expressions.)
Et l’épée démasquée…
(Mouvement de nuque héroïque, agitant sa tresse, faisant battre une mèche dans un transport aérien et ralenti.)
J’allais par les allées, telle une bayadère
Quand d’un marionnettiste, à l’esprit disloqué
J’ai remonté la piste de sa vision toquée…
(Elle ajusta sa voix, tel qu’on le ferait pendant des roulements de tambour.)
Je suis Eymindalë, à l’épée légendaire
(Elle eut alors, le temps de deux carillons, un rire cristallin, avant de sourire, laissant luire dans ses yeux une pincée d’étoiles – voix suave et filant, légère comme un filet d’eau claire, ses derniers mots.)
Les contes
Les chants
Les sens et l'essence
(La sylvaine eut un geste de tête pour les enfants, puis l'assistance, se taisant ensuite, pour laisser toute leur place aux gestes et prochains mots ; attentive à son environnement, elle laissait venir.)
Les enfants rigolèrent devant l'imagination d'une telle fresque, avant de se taire à nouveau pour écouter l'elfe.
Certains tiraient la lange devant la confusion, d'autres fronçaient les sourcils pour faire tourner leurs neurones, pendant que d'autres, défaitistes, s'adonnèrent à l'excavation nasale de leurs doigts.
Lorsque Eymindalë eut terminé, les gamins restèrent un brin interdits. Mais rapidement les questions fusèrent.
– C'est quoi un Pharaon ?!
– Pi t'as trouvé l'Errant ?!
– Pourquoi qu'il avait une épée des enfers d'abord ?!
– ... Oui, la tortue, la tortue !!!
Le Ts’raal prêtre de Kaïn laissa à la bande de morveux une corbelle entière de fruits faits du soleil de l’aride Balamoun. Et les enfants croquaient, s’en suçaient même les doigts, oubliant que leurs parents peuplaient les cauchemars de sauriens.
– Alors, t’as une histoire ? postillonnait le mouflet.
Eymindalë se redressa comme s’étiraient les chattes.
– En tout cas, les petits, ça sera bien meilleur que ces histoires d'elfes qui mangent des enfants, ou même des gens : c'est des histoires, c’est même pas drôle, et c'est n'importe quoi. (Un sourire appuyé.) Vous voulez une histoire entièrement rigolote ? Hmm…
(Son index et un demi-sourire taquin et complice désignaient les enfants, comme si elle et eux étaient de joyeux drilles se comprenant d'instinct.)
– Mais, bon, je vous vois venir, les enfants, vous êtes du genre à vouloir une histoire drôle, mais aussi pleine d'aventure, et une histoire, en plus, qui plairait à une princesse devenue reine, voui voui ! Non ?
Bon, ça tombe bien.
Je vais vous raconter l'histoire (elle désigna une épée en bois, battant sa hanche) de cette épée légendaiiiiiire – ah mais si, légendaire ! – qui a fait sourire la princesse Nisha, devenue reine de Balamoun en épousant son frère, le souverain Pharaon. (Son index pointa la corbeille vide.) Là d’où venaient les fruits.
– Pouaah ! C'est cochon de faire des bisous à sa sœur !
– Moi, ma maman elle a épousér son cousin, mais pô son frère, oh non jamais !
– Mais les fruits ils sont bons, alors peut-être que… ?
La sylvaine haussa un sourcil, continua comme si de rien.
– Et après, si vous en voulez encore, je ramènerai Caroline. Hmm. La tortue, la Caro, votre copine.
[i]Avec des écailles, une carapace… C’est les Ts’raals que vous aimez, bande de petits trous du cul.[/i]
Avec une nonchalante élégance, la ménestrelle remisa derrière l’oreille une mèche ondulante qui naissait sur sa tempe, et laissa s’étirer un silence, durant lequel elle regarda les enfants, puis l'assistance, comme si elle fut, pour l’aventure d’un instant, une complice chère, suggérée à la manière des cils qui caressent : de loin et comme s’il n’en était rien.
– La fabuleuse légende de cette épée de bois (qu’elle câlina, du bout des doigts)
Débute sans qu’on m’entende ni même qu’on me voit :
C’est que je me baladais, en chantant la-la-la
Me perdant dans Forêt – oh oui au moins deux fois !
(soupir d’une auto-dérision théâtrale, tandis que ses yeux jouaient le désespoir insouciant)
Une pie malicieuse m’attirait vers des trolls
(yeux ronds et frisson)
Les chênes s’amusaient à se changer en ifs…
Les mousses astucieuses se firent farandole
Et pour ma part j’osais leur confier mon esquif
Elles sont une boussole qui toujours pointe au nord
Ainsi donc j’amarrais dans un bois cousu d’or
Et d’un dernier survol
(signe de l’index, faisant solennellement « non »)
sans trompette sonore
Fis-je un dernier arrêt vers un cerf qui s’endort
(un silence s’étirait, des anges s’y nichant)
Le cerf
Si noble et majestueux
La forêt le couronne
(Elle parut projeter loin son regard, jusqu’à ce lieu, peut-être – un sourire soudain, ainsi elle en revint.)
J’arrivais aux montagnes, j’y avais rendez-vous
Près d’une sente calme aux portes du désert
Que les tempêtes accompagnent… Sans qu’on ne s’y dévoue
Un étranger déclame : aux sables surnuméraires
Il préfère se soustraire. Habillé d’un caftan
Tissé en Balamoun ; son visage est voilé
Il ne veut s’en abstraire. Et moi pour tout passe-temps
J’écoute sa scoumoune. Les cieux sont étoilés
Et moi bien ennuyée car voici qu’à présent
Il fait une promesse : contre dix pièces d’or
Il lit la destinée.
(Elle sourit en contenant la gourmandise d’un rire voulant éclore)
Je lui dis : – Mais encore ?
Le voici qui professe : – mon nimbe omniprésent
Révèle son firmament à l’art divinatoire…
Je soupire doucement car je me sais curieuse
Préférant tellement faire, que des regrets le dard
Voici donc mon affaire, divination rieuse :
(elle plisse les yeux, travestit sa voix, y insufflant des brumes tressautant un peu aux tintements de ses sourires)
– Tu dois trouver l’Errant !
Dit-il. – Tu comprendras quand tu l’auras trouvé. Il partait.
– Qu’il m’attende ! décidais-je. Il comprendra à tant s’y égarer.
(Elle eut un ballet de mains, qu’elle laissa s’évanouir lentement.)
– Je trouvais lors refuge dans les maisons de suie
Près des cavernes obscures, à Sancte fut cataclysme
Charbon y est déluge, vivre, un surréalisme
Là est la sinécure de l’être qui s’ensuit :
(Elle fléchit les genoux pour se raccourcir et mimait un marionnettiste, devisant avec ses deux mains et ayant l’air assez éberlué.)
Il avait quatre têtes dont l’une était perdue
Il la cherchait sans cesse, mais nul ne l’entendait
J’observais ses faciès, sa complainte éperdue
Et ses manières d’esthète comme ce qu’il demandait
Il était fait d’un homme, d’un nain et un gobelin
Et s’il trouvait le vrai, il ne pouvait l’étreindre
Pas même un minimum : nulle main ne venait poindre
Sa tête absente œuvrait au royaume des nains
(Elle fit d’une main une bouche.)
– Ô douce demoiselle ! Retrouvez-donc ce Well !
(L’autre main y abondait, puis à chaque rime du couplet, une main répondait à l’autre.)
– Je vous en prie sylvaine, donne-nous de ses nouvelles !
Well fait bien trop de zèle, il cherche royaume des nains
Mais nous quelle déveine ! Son absence est venin »
Le Royaume des Nains...
(Elle feignit en écouter l’écho, dans les hauteurs lointaines.)
Si froides sont les pierres
Leur mémoire
Vit et brûle
(Elle répéta le dernier vers de son évocation de l’évanescence des choses.)
Il pleurait une langue que personne n’entendait
Et sa détresse exsangue était son glorieux dais
Je trouvais les fissures et pansait sa souffrance
Et sans égratignure, je déclenchais sa transe :
(Elle prit une voix rauque, du moins, affecta prendre une voix rauque.)
« Amis j’ai croisé Well ! »
(Elle plaça sa main pour faire aparté à l’assistance.)
Non ce n’était pas vrai
Mais à vous je révèle :
Sa détresse me navrait
Et j’avais bien compris que son âme divaguait
Alors pour son esprit mon daguet zigzaguait :
(De geste, l’aparté cessait.)
« Il m’a dit : va les voir ! Dis-leur que mon espoir
Est qu’ils te reconnaissent, que leur défiance s’affaisse,
Qu’ils sortent des tours d’ivoire, qu’en souvenir de ma poire
Ils te fassent la confesse du secret-forteresse ! »
(Elle prit une voix rauque, du moins, affecta prendre une voix rauque.)
« Tu es donc son amie » à la quatrième tête
(précisa-t-elle une main en paravent, tel qu’on le ferait d’un secret, avant de reprendre sa pantomime)
– Et il va bien tu dis ! Peut-être es-tu donc faite
Pour tenir la légende… C’est la fin des défaites
Et nos vies en dépendent… Te sens-tu vraiment prête ?
– Mais à quoi je vous prie ? Il ne m’a pas conté
M’assurant bien qu’ici, tout serait relaté…
(Je faisais même la moue)
– La clé de ce mystère ?
C’est l’épée légendaire qui seule vainc les Enfers !
Vous joindrez-vous à nous ? » J’avais à peine du fer
Mais l’audace jusqu’aux joues : – Qui seule vainc quels Enfers ?
– Les démons de la nuit et le Cerbère putride !
– Ah ah, bien sûr, oui oui ! (je m’en faisais des rides)
L’Errant rappelez-vous me prédisait destin :
« Tu dois trouver l’Épée…
(mouvement de balancier, moue de celle qui s’apprêtait à hériter d’une joyeuse plaie)
...Et tu sauras après. »
Eh bien maintenant je sais, mais comment donc qu’on fait ?
– Oh comme elle se dévoue, sans peur d’être un festin !
– Ah ah, oui oui, bien sûr… Je me sens très sécure…
(J’en tremblais des fémurs, sans tagada-tsoin tsoin
Et craignais de mourir, de sonner mon tocsin
Mais ne pouvais tenir, en toute désinvolture)"
[Elle eut un rire fait d’un souffle joliment – si, si – saccadé, et reprit]
Rire et mourir
C’est respecter la Vie
C’est honorer la Mort
[Elle parut soupeser ses mots, à la fois contentée et inquiète ; chassa un frisson.]
Contemplant la caverne, chauve-souris en nuées
Se faisaient sentinelles des ruines du château
Où gît – sans balivernes ! l’épée sous les linteaux
Je me veux rationnelle mais j’en ai des suées
Mon cœur bat la chamade, ma torche est allumée
Et ma plus fière armure ne manque pas d’allure
C’est ma brave couverture, rêche de musculature…
(Elle mimait sa geste emmitouflée, lumière brandie.)
J’avance pleine de saccades, je vais les enfumer
Elles s’en vont à tire-d’ailes, j’entends des coups sonner
Voici maintenant qu’ils viennent, les démons mentionnés !
(sursaut)
Ils me frappent, me querellent…
(main sur la poitrine, crispée de douleur)
Ah, non, c’était mon cœur
Ma seule et unique peine, haletante de frayeur…
(Elle esquisse la pantomime d’une avancée méticuleuse, prudente, regardant les cieux comme l’on ausculterait les galeries d’une grotte, tendant l’oreille et plissant les yeux – soudain, un tressaillement.)
Voici le fier castel, cette baraque ruinée
Je trouve une vieille enseigne, « château » y est marqué
J’y exhume des dentelles, des froufrous chagrinés
Une vieille chandelle, un peigne,
(Elle touche, affectant un triomphe burlesque avec pourtant une grande sobriété de gestes et d’expressions.)
Et l’épée démasquée…
(Mouvement de nuque héroïque, agitant sa tresse, faisant battre une mèche dans un transport aérien et ralenti.)
J’allais par les allées, telle une bayadère
Quand d’un marionnettiste, à l’esprit disloqué
J’ai remonté la piste de sa vision toquée…
(Elle ajusta sa voix, tel qu’on le ferait pendant des roulements de tambour.)
Je suis Eymindalë, à l’épée légendaire
(Elle eut alors, le temps de deux carillons, un rire cristallin, avant de sourire, laissant luire dans ses yeux une pincée d’étoiles – voix suave et filant, légère comme un filet d’eau claire, ses derniers mots.)
Les contes
Les chants
Les sens et l'essence
(La sylvaine eut un geste de tête pour les enfants, puis l'assistance, se taisant ensuite, pour laisser toute leur place aux gestes et prochains mots ; attentive à son environnement, elle laissait venir.)
Les enfants rigolèrent devant l'imagination d'une telle fresque, avant de se taire à nouveau pour écouter l'elfe.
Certains tiraient la lange devant la confusion, d'autres fronçaient les sourcils pour faire tourner leurs neurones, pendant que d'autres, défaitistes, s'adonnèrent à l'excavation nasale de leurs doigts.
Lorsque Eymindalë eut terminé, les gamins restèrent un brin interdits. Mais rapidement les questions fusèrent.
– C'est quoi un Pharaon ?!
– Pi t'as trouvé l'Errant ?!
– Pourquoi qu'il avait une épée des enfers d'abord ?!
– ... Oui, la tortue, la tortue !!!