par Eymindalë Lomorwenn » 21 avr. 2022, 15:00
Prise dans les remous de son chant peuplé de vagues, l’affluence de la Biche d’Or se noyait dans des regards naufragés.
Ah, merde… Je vais vous ramener sur la grève, et au chaud en plus, les filles et les gaillards ! La lame de fond, l’oubli, c’est à nous seules qu’elle est promise, les putains de bardes. Vous…
Elle haussa les épaules.
- Ô Biche d’Or !
La sylvaine se levait et radiait d’un sourire battant, doux, rayonnant. Comme mon père avant la vague. Ses cils mimaient le vent. Elle croisait un regard et étirait ses lèvres en faisant oui du chef, comme si on lui avait demandé quelque chose sans mot dire. D’une gourmande inspiration, ses ambres pétillaient déjà.
- Ô Biche d’Or, allez, viens, je t’emmène au voyage ! Vous tous, même : vos chausses sont bien trempées. (Il y en eut un ou deux pour grimacer comme si c’était vrai de vrai.) J’aurais pour vous périple, et pour périple Shanya. Dans ma longue pérégrine, elle était avec moi, dans la Cité des sables, la lointaine Balamoun, où au cœur du désert, j’étais seule en l’arène.
On va se sécher là-bas.
(Un discret soupir.)
- J’essayais de bien faire, mais je m’y ennuyais : Nisha ne me répondait à rien, il faisait chaud et lourd… J’étais près d’elle dans la loge royale, lors du mariage de Pharaon, là-bas, où le soleil… Ah !
(Revers de main sur le front.)
- Ô Biche d’Or, écoute, écoute oui, et viens, mais abreuve-toi aux verres que l’on te sert ici, car les sables assoiffent !
(Elle eut un geste pour l’assistance, un clin d’œil pour Jaahl, et fit sonner sa flûte de pan, emportant vers l’orient et les sables ardents.)
- Gens d’ici, soyez prêts ! Verres levés, buvez bien, laissez-moi vous emmener...
(Et soudain, les voiles du temps parurent tourner autour d’elle, à en croire ses yeux intenses, scrutant l’obscur au-dessus de toutes les chaises. Elle semblait y voir constellation et, d’une main en compas, en lire les tramées d’étoiles.)
En la Cité Radieuse,
(fit-elle pour personne et tout le monde, voix suave et subtilement mélodieuse, déclamant comme s’il n’en avait été de rien)
Près des rives onctueuses
Je venais sans bannière, instrument, ni prénom
Et le Peuple aux Arènes, si sûrement, par passion
Me voyait sans mirage… Je le vis si sagace
J’en comprenais l’adage, le secret perspicace
Près des rives onctueuses, en la Cité Radieuse,
Elle inspire foules nombreuses,
La Souveraine Merveilleuse
(On entendait les majuscules)
Elle est Soleil et Grâce
Le Miracle
Et les Astres
Et les rives onctueuses,
Seules
Peuvent être mélodieuses,
Pour la Cité Radieuse, la Souveraine Merveilleuse.
Nisha…
(Elle le dit comme d’un souffle, et joua de la flûte de pan pour l’évoquer en musique : la princesse envoûtante, fascinante, elle qu’on voudrait approcher, elle qui, proche, reste distante, là-bas, en Balamoun.)
On croirait au grandiose,
Dans l'attente aux arènes,
Un chant bref
Mais épique
(une moue subtile, mouvement du dos de la main)
Et voici qu'on y ose
D'un anathème sans thrène
En faire non pas une prose
Mais un chant sans sirène
Sombre nef,
Éthylique.
Bois… (Et ce fut un murmure.)
(Elle tira quelques phrases soufflées de son instrument, dansant comme l’on charme les serpents.)
Clair de lune
(pause)
Scintillent runes
Depuis la hune
Je vois les dunes
(Fraction de temps ; elle reprit la parole, poétique, mais l’air inquiète)
La Cité est Radieuse
L’épouse siège, impérieuse
L’atmosphère, mystérieuse
En l’arène… Insidieuse
Balamoun, soleil lourd
(Un revers de main essuyait les souvenirs des perles à son front)
Bois… (Un murmure, si audible)
Balamoun, ses atours
Bois… (Le même tour)
Se clament sans tambours
(Geste)
Ses mirages ses... détours
(Boire)
(Pause ; étude de ces astres qu’elle seule avait l’air de croire au-dessus des tables.)
Après un court éloge
Me voici en la loge
J’y crains que sous les toges
Machinations s’y logent
(Elle baisse la tête, domestique une mèche, derrière l’oreille et joue de la flûte, pleine d’un transport qu’on croirait amoureux, empressé.)
Et je voudrais t’y plaire
Que mes chants et mes airs
Sachent te satisfaire
(pause contemplatrice)
Shanya aux Yeux Pers
Bois !… (La promesse qu’on susurre.)
(Un inspire, un expire ; ses battements de cœur gonflaient, son rythme décélérait, comme devant une splendeur.)
Je voudrais tant savoir
Shanya, bien les voir :
Coulisses attentatoires
Au mariage tout en gloire…
Boire...
(Sa gestuelle changea, la posture de son corps aussi : elle avait l’air sortie de l’Eymindalë vivant dans ce fragment d’éternel, pour faire un aparté, une confidence volée, à coups de notes envolées.)
Je m’inquiétais
Je redoutais
(Boire)
Entre leurs corps
La retenue
(Boire)
Et en mon for…
(On entendit les points de suspension charrier bien plus que les mots)
L’Amour qu’on tue
Car...
(D’un mouvement ralenti, elle retrouvait sa pose, celle de l’Eymindalë qui vit et revit le trouble indicible qu’elle faisait poésie : toute sa flûte le disait.)
On écrit des promesses, on les grave sur le sable
On les croit éternelles comme union d’allégresse
On en ressent des ailes comme les embruns paraissent
Mais la vague progresse, aux entraves instables
Boire…
Boire pour encore mieux voir
Boire pour encore moins voir
Boire…
(Sa flûte envoûtait, mais disait bien d’autres choses. Cette sylvaine parlait aussi derrière les mots.)
Mille-et-une nuits d’ici (mouvement de main vers l’ouest)
Aux frissons indicibles (visage se tournant vers l’est)
Et les vies sont miscibles
Aux calculs indécis
(Elle fit non, de la tête, et se déplaça vers le comptoir comme s’il était loin d’elle.)
Boire…
(Elle tendit la main, doigts langoureux.)
Éclaire-moi Shanya
Claire-voie, ici là
Où se trament les abois
Contre les mânes des rois
(Elle joua de la flûte un air trouble mais beau.)
Je pense à toi si souvent, Shanya
(et c’est Roxane qu’elle mirait)
J’aimerais tant que tu me vois, ici-bas
(Elle zyeutait maintenant les cieux, par-delà les plafonds ; puis ses mains et ses bras ponctuaient sa cantate, tantôt d’une arabesque, tantôt droit à l’appui de son cœur.)
Te complaire aux quatre vents, Lyre et Plume
Tisser des mots émouvants, pour costume
Mettre à nu tous les tourments, Shanya
Créer mes vers comme onguents, guérisseurs
En rendre tout le monde gourmand, des mantras
Faire naître sourires élégants, aux âmes-sœurs
Et boire, boire la vie, les histoires… Boire !
J’aimerais répandre Charmante-Vie, Shanya
Cette sensation si jolie, épanouie
Qui met bas les ponts-levis, gloria !
Comme une glossolalie, inouïe
Forgeant des rires aux éclats, Shanya
Incitant aux…
(Fausse pause, sourire d’une fausse ingénue, amatrice d’une exquise insolence. Murmures poussés, escortés d’un mouvement des deux mains appuyant sur une tête, implicite:)
Hmm, là, là, bien plus bas
(Elle eut alors ce sourire des femmes illuminant leurs traits pendant l’amour)
Voici mon apostolat, celui-là
Confinant aux danses communes, aux ébats
Boire… Il fait chaud.
Je hume le sable
Ardente Balamoun
Et je sens la mer
Boire...
Lointaine, la lune
Sa claire étreinte
Berce les rêves
Boire !
J’écoute le vent (geste de main)
J’en perds mon souffle (main sur poitrine)
Mais, mieux, je respire (voix d’une délivrance)
Boire...
Le monde est une foule (mouvement embrassant les chaises)
Un océan sage (regard mystérieux, avant qu’elle n’ajoute, d’une voix de sibylle)
Nos vies, beaux naufrages
Boire !
Le soleil, si loin
Nous brûle sans gêne
On l’aime pourtant
Bois...
Je pleure son absence (main sur le cœur)
Mais en sa présence
Ressens la distance
Bois !
Battement de cil
Le temps suspendu
Fragile éternel
Boire… Comme le gosier qui sait.
Des mots disent long
D’autres ne sont rien
...
Entre eux, les soupirs…
Boire...
(Elle porta lentement, geste aérien, sa flûte de pan aux lèvres, et joua pour faire boire, voire… entendre derrière les mots.)
Les vieux marins avaient bu et bu, comme s’ils avaient vu et vu la mort au milieu du désert sans fin tandis que les jeunes loups-de-mer avaient noyés leurs cauchemars de cette mer de sable. A la fin, nombreux avaient été ceux qui n'avaient plus l'esprit assez présent pour remercier la sylvaine, quand d'autres embrassaient déjà le zinc pour rejoindre Shanya en rêve.
Eymindalë annonçait à Jaahl qu’elle prenait l’air, quand un jeune humain aux allures de tout frais baroudeur l’applaudit et fit une remarque.
- Balamoun a l'air d'une belle cité perdue dans la mer les sables mais est-ce qu'elle existe vraiment ? Serais-tu en train de nous faire rêver ? Et puis la souveraine Nisha, jamais entendu parler ! Mais en tout cas, merci pour la poésie.
- Eymindalë Lomorwenn, fit-elle en guise de salut, pour demander son blaze. Mais c’est trop subtil, trop peu comprennent ce genre de trucs. Moitié Forêt, moitié Baie, enchaîna-t-elle.
(Ses yeux plissèrent, malicieux.)
Et tu as déjà entendu parler de Phalsénore, d'ailleurs ? Elle était connue ici, à échelle de temps d'elfe.
(Elle cilla, perplexe et incrédule, rechignant à se mordre les lèvres pour retenir l’étonnement.)
- Par mes fesses, Balamoun, Nisha, des inventions ? Mazette, tu vivais où ?
Le jeune gars répondit, après une seconde de réflexion.
- Pas très loin d'ici, je suppose, enfin, je crois, enfin bref, c'est pas très loin du port normalement. [Puis changeant de sujet.] Phalnéore, Balamoun ? Je crois avoir vu une fresque dessus, maintenant que j'y pense. Mais j'ai juste un peu oublié.
Et soudain, l’Élu de Shanya fit entendre sa harpe et son chant. La sylvaine fit comme tout le monde, à écouter et se laisser mener, avant que la porte n’attire son attention.
Une femme aux cheveux de jais entrait dans la taverne, d'un pas irrégulier. Malgré une certaine prestance, sa mise semblait avoir été éprouvée récemment. Lorsqu'elle clopina d'une démarche légèrement boiteuse vers le comptoir en prenant ci et là appui sur les chaises et les murs, il apparut clair au tout-venant qu’elle revenait d'une longue escapade en-dehors de la ville.
Une fois à hauteur de l'aubergiste, la jeune dame se hissa sur un tabouret, souffla longuement d'aise en savourant son immobilisme nouveau, et attrapa l'aubergiste du regard.
Si elle avait cherché celui d’Eymindalë… L’esquisse d’un sourire en coin, la sylvaine étudiait cette brune au menton tatoué. Dans ces yeux noirs à fendre la mer en deux : la gravité. Hmm. La gravité.
Prise dans les remous de son chant peuplé de vagues, l’affluence de la [i]Biche d’Or[/i] se noyait dans des regards naufragés.
[i]Ah, merde… Je vais vous ramener sur la grève, et au chaud en plus, les filles et les gaillards ! La lame de fond, l’oubli, c’est à nous seules qu’elle est promise, les putains de bardes. Vous…[/i]
Elle haussa les épaules.
- Ô Biche d’Or !
La sylvaine se levait et radiait d’un sourire battant, doux, rayonnant. [i]Comme mon père avant la vague.[/i] Ses cils mimaient le vent. Elle croisait un regard et étirait ses lèvres en faisant oui du chef, comme si on lui avait demandé quelque chose sans mot dire. D’une gourmande inspiration, ses ambres pétillaient déjà.
- Ô Biche d’Or, allez, viens, je t’emmène au voyage ! Vous tous, même : vos chausses sont bien trempées. (Il y en eut un ou deux pour grimacer comme si c’était vrai de vrai.) J’aurais pour vous périple, et pour périple Shanya. Dans ma longue pérégrine, elle était avec moi, dans la Cité des sables, la lointaine Balamoun, où au cœur du désert, j’étais seule en l’arène.
On va se sécher là-bas.
(Un discret soupir.)
- J’essayais de bien faire, mais je m’y ennuyais : Nisha ne me répondait à rien, il faisait chaud et lourd… J’étais près d’elle dans la loge royale, lors du mariage de Pharaon, là-bas, où le soleil… Ah !
(Revers de main sur le front.)
- Ô Biche d’Or, écoute, écoute oui, et viens, mais abreuve-toi aux verres que l’on te sert ici, car les sables assoiffent !
(Elle eut un geste pour l’assistance, un clin d’œil pour Jaahl, et fit sonner sa flûte de pan, emportant vers l’orient et les sables ardents.)
- Gens d’ici, soyez prêts ! Verres levés, buvez bien, laissez-moi vous emmener...
(Et soudain, les voiles du temps parurent tourner autour d’elle, à en croire ses yeux intenses, scrutant l’obscur au-dessus de toutes les chaises. Elle semblait y voir constellation et, d’une main en compas, en lire les tramées d’étoiles.)
En la Cité Radieuse,
(fit-elle pour personne et tout le monde, voix suave et subtilement mélodieuse, déclamant comme s’il n’en avait été de rien)
Près des rives onctueuses
Je venais sans bannière, instrument, ni prénom
Et le Peuple aux Arènes, si sûrement, par passion
Me voyait sans mirage… Je le vis si sagace
J’en comprenais l’adage, le secret perspicace
Près des rives onctueuses, en la Cité Radieuse,
Elle inspire foules nombreuses,
La Souveraine Merveilleuse
(On entendait les majuscules)
Elle est Soleil et Grâce
Le Miracle
Et les Astres
Et les rives onctueuses,
Seules
Peuvent être mélodieuses,
Pour la Cité Radieuse, la Souveraine Merveilleuse.
Nisha…
(Elle le dit comme d’un souffle, et joua de la flûte de pan pour l’évoquer en musique : la princesse envoûtante, fascinante, elle qu’on voudrait approcher, elle qui, proche, reste distante, là-bas, en Balamoun.)
On croirait au grandiose,
Dans l'attente aux arènes,
Un chant bref
Mais épique
(une moue subtile, mouvement du dos de la main)
Et voici qu'on y ose
D'un anathème sans thrène
En faire non pas une prose
Mais un chant sans sirène
Sombre nef,
Éthylique.
Bois… (Et ce fut un murmure.)
(Elle tira quelques phrases soufflées de son instrument, dansant comme l’on charme les serpents.)
Clair de lune
(pause)
Scintillent runes
Depuis la hune
Je vois les dunes
(Fraction de temps ; elle reprit la parole, poétique, mais l’air inquiète)
La Cité est Radieuse
L’épouse siège, impérieuse
L’atmosphère, mystérieuse
En l’arène… Insidieuse
Balamoun, soleil lourd
(Un revers de main essuyait les souvenirs des perles à son front)
Bois… (Un murmure, si audible)
Balamoun, ses atours
Bois… (Le même tour)
Se clament sans tambours
(Geste)
Ses mirages ses... détours
(Boire)
(Pause ; étude de ces astres qu’elle seule avait l’air de croire au-dessus des tables.)
Après un court éloge
Me voici en la loge
J’y crains que sous les toges
Machinations s’y logent
(Elle baisse la tête, domestique une mèche, derrière l’oreille et joue de la flûte, pleine d’un transport qu’on croirait amoureux, empressé.)
Et je voudrais t’y plaire
Que mes chants et mes airs
Sachent te satisfaire
(pause contemplatrice)
Shanya aux Yeux Pers
Bois !… (La promesse qu’on susurre.)
(Un inspire, un expire ; ses battements de cœur gonflaient, son rythme décélérait, comme devant une splendeur.)
Je voudrais tant savoir
Shanya, bien les voir :
Coulisses attentatoires
Au mariage tout en gloire…
Boire...
(Sa gestuelle changea, la posture de son corps aussi : elle avait l’air sortie de l’Eymindalë vivant dans ce fragment d’éternel, pour faire un aparté, une confidence volée, à coups de notes envolées.)
Je m’inquiétais
Je redoutais
(Boire)
Entre leurs corps
La retenue
(Boire)
Et en mon for…
(On entendit les points de suspension charrier bien plus que les mots)
L’Amour qu’on tue
Car...
(D’un mouvement ralenti, elle retrouvait sa pose, celle de l’Eymindalë qui vit et revit le trouble indicible qu’elle faisait poésie : toute sa flûte le disait.)
On écrit des promesses, on les grave sur le sable
On les croit éternelles comme union d’allégresse
On en ressent des ailes comme les embruns paraissent
Mais la vague progresse, aux entraves instables
Boire…
Boire pour encore mieux voir
Boire pour encore moins voir
Boire…
(Sa flûte envoûtait, mais disait bien d’autres choses. Cette sylvaine parlait aussi derrière les mots.)
Mille-et-une nuits d’ici (mouvement de main vers l’ouest)
Aux frissons indicibles (visage se tournant vers l’est)
Et les vies sont miscibles
Aux calculs indécis
(Elle fit non, de la tête, et se déplaça vers le comptoir comme s’il était loin d’elle.)
Boire…
(Elle tendit la main, doigts langoureux.)
Éclaire-moi Shanya
Claire-voie, ici là
Où se trament les abois
Contre les mânes des rois
(Elle joua de la flûte un air trouble mais beau.)
Je pense à toi si souvent, Shanya
(et c’est Roxane qu’elle mirait)
J’aimerais tant que tu me vois, ici-bas
(Elle zyeutait maintenant les cieux, par-delà les plafonds ; puis ses mains et ses bras ponctuaient sa cantate, tantôt d’une arabesque, tantôt droit à l’appui de son cœur.)
Te complaire aux quatre vents, Lyre et Plume
Tisser des mots émouvants, pour costume
Mettre à nu tous les tourments, Shanya
Créer mes vers comme onguents, guérisseurs
En rendre tout le monde gourmand, des mantras
Faire naître sourires élégants, aux âmes-sœurs
Et boire, boire la vie, les histoires… Boire !
J’aimerais répandre Charmante-Vie, Shanya
Cette sensation si jolie, épanouie
Qui met bas les ponts-levis, gloria !
Comme une glossolalie, inouïe
Forgeant des rires aux éclats, Shanya
Incitant aux…
(Fausse pause, sourire d’une fausse ingénue, amatrice d’une exquise insolence. Murmures poussés, escortés d’un mouvement des deux mains appuyant sur une tête, implicite:)
Hmm, là, là, bien plus bas
(Elle eut alors ce sourire des femmes illuminant leurs traits pendant l’amour)
Voici mon apostolat, celui-là
Confinant aux danses communes, aux ébats
Boire… Il fait chaud.
Je hume le sable
Ardente Balamoun
Et je sens la mer
Boire...
Lointaine, la lune
Sa claire étreinte
Berce les rêves
Boire !
J’écoute le vent (geste de main)
J’en perds mon souffle (main sur poitrine)
Mais, mieux, je respire (voix d’une délivrance)
Boire...
Le monde est une foule (mouvement embrassant les chaises)
Un océan sage (regard mystérieux, avant qu’elle n’ajoute, d’une voix de sibylle)
Nos vies, beaux naufrages
Boire !
Le soleil, si loin
Nous brûle sans gêne
On l’aime pourtant
Bois...
Je pleure son absence (main sur le cœur)
Mais en sa présence
Ressens la distance
Bois !
Battement de cil
Le temps suspendu
Fragile éternel
Boire… Comme le gosier qui sait.
Des mots disent long
D’autres ne sont rien
...
Entre eux, les soupirs…
Boire...
(Elle porta lentement, geste aérien, sa flûte de pan aux lèvres, et joua pour faire boire, voire… entendre derrière les mots.)
Les vieux marins avaient bu et bu, comme s’ils avaient vu et vu la mort au milieu du désert sans fin tandis que les jeunes loups-de-mer avaient noyés leurs cauchemars de cette mer de sable. A la fin, nombreux avaient été ceux qui n'avaient plus l'esprit assez présent pour remercier la sylvaine, quand d'autres embrassaient déjà le zinc pour rejoindre Shanya en rêve.
Eymindalë annonçait à Jaahl qu’elle prenait l’air, quand un jeune humain aux allures de tout frais baroudeur l’applaudit et fit une remarque.
- Balamoun a l'air d'une belle cité perdue dans la mer les sables mais est-ce qu'elle existe vraiment ? Serais-tu en train de nous faire rêver ? Et puis la souveraine Nisha, jamais entendu parler ! Mais en tout cas, merci pour la poésie.
- Eymindalë Lomorwenn, fit-elle en guise de salut, pour demander son blaze. [i]Mais c’est trop subtil, trop peu comprennent ce genre de trucs.[/i] Moitié Forêt, moitié Baie, enchaîna-t-elle.
(Ses yeux plissèrent, malicieux.)
Et tu as déjà entendu parler de Phalsénore, d'ailleurs ? Elle était connue ici, à échelle de temps d'elfe.
(Elle cilla, perplexe et incrédule, rechignant à se mordre les lèvres pour retenir l’étonnement.)
- Par mes fesses, Balamoun, Nisha, des inventions ? Mazette, tu vivais où ?
Le jeune gars répondit, après une seconde de réflexion.
- Pas très loin d'ici, je suppose, enfin, je crois, enfin bref, c'est pas très loin du port normalement. [Puis changeant de sujet.] Phalnéore, Balamoun ? Je crois avoir vu une fresque dessus, maintenant que j'y pense. Mais j'ai juste un peu oublié.
Et soudain, l’Élu de Shanya fit entendre sa harpe et son chant. La sylvaine fit comme tout le monde, à écouter et se laisser mener, avant que la porte n’attire son attention.
Une femme aux cheveux de jais entrait dans la taverne, d'un pas irrégulier. Malgré une certaine prestance, sa mise semblait avoir été éprouvée récemment. Lorsqu'elle clopina d'une démarche légèrement boiteuse vers le comptoir en prenant ci et là appui sur les chaises et les murs, il apparut clair au tout-venant qu’elle revenait d'une longue escapade en-dehors de la ville.
Une fois à hauteur de l'aubergiste, la jeune dame se hissa sur un tabouret, souffla longuement d'aise en savourant son immobilisme nouveau, et attrapa l'aubergiste du regard.
Si elle avait cherché celui d’Eymindalë… L’esquisse d’un sourire en coin, la sylvaine étudiait cette brune au menton tatoué. [i]Dans ces yeux noirs à fendre la mer en deux : la gravité. Hmm. La gravité.[/i]