De fer et de sang III

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De fer et de sang III

par Amenmès » 01 janv. 2017, 12:53

La Fournaise avait été largement éventrée par la dernière éruption du volcan et le tremblement de terre qui s'en suivit. Les landes de lave avaient lacéré la terre, laissant autour d'elles des sillons incandescents infranchissables. Ananke avait-il puni ses ouailles ? Nul ne peut connaître la volonté des dieux, mais là où certains voyaient mort et désolation, d'autres voyaient ici le renouveau d'un mal encore plus cruel.
Perdus au milieu de ces sentiers de laves, deux mal-fagotés, chaînes aux pieds, crapahutaient aussi vite que leurs pauvres jambes écorchées le leur permettaient. ]


- 'va pas être content...
- T'as gueule ! C'est pas not' faute si tout s'est écroulé. Il a b'soin d'nous. On est les seuls qui savent où creuser.
- Ouais, mais quand même, tu t'souviens la dernière fois ?!
- C'était pas pareil ! Avance main'nant.


Les deux hères continuèrent leur chemin jusqu'à arriver à une large balafre dans la roche volcanique. Le trou béant s'enfonçait dans les profondeurs de la terre, laissant s'échapper une odeur de souffre pestilentielle. Un escalier de fortune longeait les parois et se noyait dans les vapeurs toxiques, d'où s'échappait un étrange écho métallique qui les accompagnait en cadence.


- CLING ! CLING !


Les deux compagnons avalèrent les marches deux à deux, avant d'arriver dans une grotte aux parois hautes de plusieurs pieds. Une cathédrale de pierre vitrifiée où la chaleur régnait en maître absolu. Au milieu de cet environnement hostile s'activait un nombre impressionnant de silhouettes tout aussi effrayantes les unes que les autres. Des estropiés, des malades et des fols semblaient s'affairer à de nombreuses tâches ingrates. Ils avaient tous en commun cette expression de désespoir et de peur qui habillait leurs faciès éprouvés.
Les esclaves arrivèrent finalement devant une silhouette imposante, léchée par un énorme brasier lui faisant face. Il maniait un marteau digne d'un géant, qu'il abattait sur un morceau de métal plaqué sur une enclume. Le feu semblait alimenter de toute son énergie le poing rageur du forgeron.

L'un des deux arrivants prit la parole d'une voix fluette, mais décidée.


- Maître, on a eu un problème à la mine. Elle... Elle s'est écroulée, beaucoup d'esclaves sont morts. La roche était trop molle... Mais d'toute manière, on avait rien trouvé. Pas d'fer !


Le marteau du forgeron s'arrêta net sur le morceau de métal. Tous dans la forge s'immobilisèrent. Seul le bruit de la lave en ébullition résonnait encore dans la caverne. Après quelques secondes, l'artisan se retourna lentement vers les deux compères, les surplombant de sa stature immense. Son regard mauvais les dévisagea un court instant et il laissa échapper un râle qu'il était difficile d'imaginer plus angoissant.


- Râââ... PAS DE FER ! Vous creusez inutilement depuis depuis un mois ?! Qui en est le responsable ?


Les regards des deux esclaves se croisèrent, offrant à chacun le miroir de sa propre peur. Déjà le marteau du forgeron tournoyait d'impatiente entre ses mains caleuses, quand le plus jeune prit la parole :


- M... Maître, c'est not' faute, on sait, on va mieux chercher, on vous l'jure...
- QUI EST LE RESPONSABLE !?!


La voix du forgeron avait balayé les explications hasardeuses du pauvre homme, laissant un silence de plomb s'installer à nouveau. Les deux esclaves se regardèrent à nouveau brièvement avant de faire face à l'artisan, défiant son silence. Pendant ce temps, le marteau tournoyait encore et encore entre les mains du forgeron, tel un pendule infernal. Finalement, le plus vieux des deux esclaves craqua. Il tomba à genou en pleur et se prosterna devant son maître, braillant de peur.


- C'est lui Maître, c'est d'sa faute à lui !


Le plus jeune esclave resta interdit et fixa le délateur d'un regard incrédule. Sa bouche resta ouverte, mais aucun son en sortit. Il se tourna alors vers le forgeron et le supplia de plus belle, évoquant femme, enfants et dieux obsolètes. Le plus vieux resta à terre, effondré, fermant les yeux comme pour mieux éviter le regard de la méduse, qui lui pétrifierait le sang.


- SCROOTCH !


Et puis un son terrible fit frémir chaque âme de la forge. L'esclave à genou fut éclaboussé de sang, ce qui le fit tressaillir. Il resta tremblant les mains sur la tête, avant d’entrouvrir un œil. Il tomba face à face avec le regard vide de son compagnon d'infortune, gisant dans son sang. L'esclave s'empressa de refermer les yeux, mais l'image était déjà incrustée à jamais dans son esprit torturé.


- Râââ... Trouvez-moi du métal ! N'importe où ! A n'importe quel prix !


Les paroles du forgeron ne souffraient d'aucune ambiguïté. Déjà des esclaves s'affairaient à nettoyer le sol et transporter le cadavre hors de l'atelier, quand d'autres emportaient le malheureux à terre loin de l'artisan.
Les vapeurs de souffre reprirent rapidement leurs droits dans la caverne, étouffant chaque douleur et chaque complainte d'un voile laiteux, sur ce qui ne pouvait être après tout qu'un horrible cauchemar.

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