3 -La Geste des Vivants
Note : Le texte qui va suivre relate une bataille sous différents points de vue. Pour ce faire, j’ai décidé de choisir des archétypes de personnage d’ODC en piochant dans les différents protagonistes présents lors de cette bataille.
Aussi, il est important de spécifier que les archétypes dont on suit le point de vue ne sont en rien des témoignages de PJs, mais bien la façon dont JE les ai perçus au fil de mes échanges. Ils reflètent donc mes propos et mes idées, non les propos et les idées des joueurs derrière les personnages dont il sera question. Si j’ai tâché de coller le plus possible à leur personnalité, les avis et analyse des différents protagonistes sur la bataille qui va suivre sont issus de mon esprit et de mon style d’écriture, j’en prends donc l’entière responsabilité et vous invite à le lire comme tel. En outre, ces points de vue répondent aussi à une nécessité en termes d’écriture, afin d’apporter des visions variées sur l’ensemble de l’évènement et, ainsi, offrir un panel plus coloré et un avis « objectif » sur le déroulement des choses.
Bonne lecture
La Pirate : Mon putain d’doigt me lance. Cet enfoiré d’zombard me l’a gnaqué en deux-deux … J’leur avais pourtant dit, aux gars, d’pas s’approcher et voilà que j’me laisse me faire rattraper par les connards de crevés sur pattes. Et v’là t’y pas qu’y en a un qui m’choppe, m’allonge et tente de me becqueter ! Merde, quelle idée j’ai eu d’y foutre la main pour le repousser aussi… Dans la gueule, hop, hachée menu ! J’y tenais, à c’te phalange… Mon doigt était d’jà petit, maint’nant j’ai même plus d’ongle… Ça va m’faire bizarre, ça, tiens. Au moins, j’y ai pas perdu l’doigt entier ni la main. Manquerait plus qu’ça.
Quand j’me relève, c’est d’jà le foutoir. Ça hurle de partout, ça réclame des soins d’tous les côtés, ça chouine en veux-tu, en voilà ! La première ligne est dans la merde, ça gîte sur tribord, l’écuyer va clamser et c’pas mieux du chef des guerriers. On va s’retrouver sans fer et là, on s’fera avaler tous crus. Mes gars s’pissent sûrement dessus et c’est tant mieux. Ils ont pas encore subit une tempête en pleine mer, un schnee qui t’écrase la face à coup d’pelles et essais d’te choper pour t’enfoncer dans les abysses. Ça, ça fait chier du froc. Enfin, j’pensais. Parce que c’que j’ai vu là, aujourd’hui, c’est pire que tout. C’est des marées humaines qui dégueulent leurs dents et leurs tripes tout en marchant vers nous. Des zombards, des crevés, qui viennent dans l’but de nous bouffer l’cul et la bite jusqu’à la moelle. J’arme mon arba, j’ai pas l’choix, et j’cherche une ligne de mire. Dil’inthar a grimpé sur des toits, bon sang, il est pas trop con. C’pas trop con, un elfe. J’grimpe à mon tour et j’me pose sur un toit pas loin, pis j’commence à viser. De là haut, j’vois l’étendue des dégâts. Si les mecs de d’vant flanchent, j’reverrais pas une plage avant quelque temps… J’les ai d’jà vue, les plages du Royaume des Crevés. Bah elles sont nazes.
« Bon, on les bute fissa !» que j’leur crie, des fois que ça leur ferait tenir leurs miches. Je regarde partout, partout que j’vous dis, j’aperçois enfin un connard de nécro. J’le canarde, il se transforme en porc épique, j’espère qu’il va pas m’renvoyer la même chose dans la gueule.
Au-d’ssus de ma gueule, j’entends des croassements. J’lève la tête et j’vois une nuée d’corbacs, comme j’en ai foutrement jamais vue d’ma vie. C’est pire que tout à l’heure, quand on est sortis d’la taverne et qu’on a zigouillé un bataillon entier d’crevés et un nécromancien. Ici, c’est un nuage, un nuage qui croasse et qui s’lance sur nos têtes à coup d’becs. Salopiauds, j’vais vous apprendre, tiens !
Le Soldat : Le combat fait rage, je ne saurais dire depuis combien de temps. Je suis au milieu du charnier. J’entends les cris, partout. Ceux des alliés et ceux, dérangés et dérangeants, des ennemis. Je tranche l’air à coup d’épée, j’y fais peser tout mon poids, je me fatigue et m’éclabousse. Combien de temps, encore ? Pas loin, Finn et Auroch peinent, mais ce n’est rien à côté d’autres membres de la première ligne. Ils n’ont jamais connu de combat non plus, pire, ils ne s’y sont jamais préparés. Heureusement, les deux Kaïnites enfoncent les rangs des morts. Ils sont en pleine difficulté, mais ils ne lâchent pas, ils invoquent toutes leurs capacités martiales pour massacrer les zombies. Derrière, en pilier, Thorsien gère l’affaire. On va s’en sortir, j’en suis persuadé.
L'Illusionniste : Ils nous ont demandé notre expertise, nos talents, notre magie. Mais niet, ils ne pensent à rien, ils vont dans tous les sens. Des fourmis désorganisées, voilà ce qu’est notre armée. On aurait pu servir, vraiment, on aurait pu jouer de tout ce que nous a appris Kronberg. Sauf que c’est trop tard. L’armée fonce dans le tas, sans préparation stratégique. Et nous, nous sommes relayés au rang de soigneurs. Il en faut, c’est certain. Mais le champ des possibles était tellement plus grand que… ça.
Je combats aux côtés de mes compagnons de toujours. À nous trois, nous formons un sacré trio. Je me tourne vers eux, pour voir s’ils ne sont pas en difficulté. Avec horreur, je réalise qu’Iskander est rivé sur le nécromant et que son énergie vitale est… absorbée, happée, par le mage noir qui lui pompe tout. De même, celui qui gère l’assaut de la première ligne est en fâcheuse posture. Sous les assauts de magie noire, sa vie s'enfuit en lambeaux brillants, aspirés goulûment par le nécromant… Tenez bon !!!
Malgré le brouhaha des conflits, je prends le temps de réfléchir. Si le nécromancien use la magie, alors il est aussi mal en point que nous. Elle se tarit depuis des mois, si on le force à puiser dans ses ressources, nous pourrons l’épuiser. Et le tuer, j’espère. Je me tourne vers le nécromancien que la rouquine a pris en ligne de mire et je lève la main. L’énergie tourne à l’intérieur de mes tripes et s’expulse par ma main en un flash violet qui éclaire l’espace et fuse vers le sorcier. J’en sue… Avec un peu de chance, je le paralyserais assez longtemps.
Le Kaïnite : Alors, les pleureuses, on est pas prêt à voir des copains crever, la gueule ouverte ? C’est ça, la guerre, combattez ou faites de l’espace pour ceux qui savent y faire. Je nettoie les zombies, mètres après mètres, ils sont increvables, les corps s’entassent, mais j’en vois pas le bout. C’est un putain de raz-de-marée. Y a une silhouette qui zigzague à quatre pattes entre les zombies, c’est quoi encore ?! Je la vois du coin de l’œil, elle bouffe des bouts de chair à la volée, glisse entre les pattes des bestiaux et sautille jusqu’aux premières lignes. Une goule, c’est une putain de goule.
Elle se jette sur Thorsien. C’est un vrai, ce gars, il assure. Il la renvoie dans les filets à coup de lattes. Si seulement on avait eu une armée de gladiateurs, on aurait déjà gagné. La bestiole couine et tente de se barrer, mais il en a pas fini avec elle. Vas-y, Thors’, dégomme-la, amuse-toi. On est là pour ça, aujourd’hui. On est là pour découper de la bestiole et crever en héros.
On s’est rué dans la gueule du loup sur un coup de tête, alors que l’armée entière n’était pas prête. Tout ça parce que Steiner a foncé dans le tas et que les têtes se sont emmêlé les pinceaux en ordre de bataille… Finn est encore debout, ça me donne une bonne excuse pour lui dire ce que je pense.
« Relève, crétin. T'es tout aussi fautif que le brumois. Dans une guerre, on garde son sang-froid. Des pertes, il y en aura. Et à vouloir éviter la mort du chevalier, tu vas perdre d'autres hommes, bien plus efficace que cette descente d'organes ».
Puis je me tourne vers l’assistance et je beugle.
« Et c'est qui la baltringue qui beugle à tout va pour nous demander de nous dépêcher? Vous voulez un cor pour rameuter encore plus de monde ?»
C’est à ce moment-là qu’un enfoiré de zombie rampant me mort la cheville. Je lui éclate la cervelle et je repousse les autres qui étaient arrivés prêts de moi. Bien trop prêts.
La Mage du Désert : Je ne comprends pas les illusionnistes. Pff, essayer d'épuiser des cadavres qui ne ressentent pas la fatigue, on n’a pas trouvé plus débile comme plan d'attaque... Ça m'agace de voir des ressources magiques gaspillées, alors qu’on a le plus grand mal à maintenir la première ligne en état de se battre. Certains tentent encore de soigner le capitaine assaillit.
« Le rôdeur me semble déjà aller mieux ! Faites gaffe au soldat là-bas ! »
Je désigne un homme du Fort, l’épée au clair, qui tente de déblayer les non-vivants qui l’assaillent. Il est en difficulté, il faut que quelqu’un l’aide. Je vois deux des nôtres se faire déchiqueter vivant, mon cœur se tord. Ces deux-là, j’ai essayé de les soigner tout à l’heure.., mais je suis épuisée… Les illusionnistes tentent de paralyser squelette et nécromanciens, ils empêchent les guerriers de se ruer sur eux. Ça m’énerve. Je suis hors de moi, aux abois, j’en peux plus, je vais exploser ! J’explose.
« EH VOUS LA, PLUTÔT QUE DE FAIRE DES TOURS DE PASSE-PASSE SUR DES SQUELETTES QUE LES KAÏNITES VONT BUTER DE TOUTE FAÇON, VOUS POURRIEZ PAS SOIGNER NOS GUERRIERS ??! BORDEL, ELLE SERT A RIEN VOTRE MAGIE DE L'ILLUSION ! Pas vrai ça, j'ai l'impression qu'on est que trois à soigner dans cette foutue troupe de mages à la mords-moi-l'nœud !! ».
Fallait le dire, non ?
L'Homme-Loup : Sang. Chaire. Crocs, longs comme tigres, plus long même. Morts veulent pas mourir, morts doivent mourir. Imberbes se battent bien. Pas mort avance. Grand, plein d’os. Que des os. Crocs sortis. Griffes aussi. Je grogne.
Le Prêtre de Vénéra : Autour de moi, il n’y a que les cris. Notre victoire, au port, n’est plus qu’amertume. Le chaos reprend ses droits, nous sommes désorganisés et nos chefs tombent les premiers. Je tourne autour de moi, espérant voir un signe, quelque chose, qui annoncerait une victoire future. La moitié de notre armée n’a jamais combattu de vivants et je vois, sur leurs visages, la peur blanche qui les assaille et les tord en tous sens. Seul le désespoir recouvre les gémissements des zombies et des vivants, qui tombent comme des mouches.
« Reformez-moi cette putain de ligne !
_ Que quelqu’un fasse quelque chose !
_ Quelqu’un à l’huile ?
_ Soignez-les !!! »
Ils perdent patience, ce qui n’est bon ni pour eux ni pour l’ensemble de notre armée. Même les mages sont en train de se crêper le chignon. Heureusement, Baïkal les ramène à terre et les canalise. Mais on est tous beaucoup trop différents, nos égos s’entrechoquent.
Je vais pour répondre lorsqu’une flèche se plante dans mon épaule. Un cri de douleur s’échappe, malgré moi, du vortex de ma voix. Je pose ma main sur mon épaule, la retire. J’ai l’impression de m’être déchiré toute l’épaule, qu’elle est en miette. Du sang ruisselle. J’avais pas saigné depuis longtemps… Ça va être fun. J’interpelle Zelph, en troisième ligne.
« Vois ça, Zelph !! Sont presque meilleurs que toi au tir !! On dirait que ces puants ont du goût ! »
Debout en seconde ligne, je pointe mon glaive en direction du groupe de squelettes qui vient de me prendre pour cible.
« Hey !!! Bande de couillons sans cervelle !! Venez cliqueter par là plutôt !! Le Sergent pourra peut-être vous apprendre à viser mieux que ça !! »
Je n’ai pas la langue dans ma poche. Je ne sais pas ce qui me prend. L’adrénaline, sûrement.
Le Soldat : Je sais plus ce qu’il se passe autour de moi. En fait, je ne sais même pas si je suis encore dans l’armée ou isolé, quelque part, dans la nuée. L’armée, il en reste quoi, d’ailleurs ? Est-ce que c’est moi, qui ai avancé, ou les autres qui ont reculé ?
Je suis de plus en plus compressé par les morts, j’y arriverais jamais. J’ai le souffle court, je suis blessé. Je pare l’attaque d’un squelette et le repousse violemment lorsque je sens une main qui se crispe sur mes épaules, une autre sur mon crâne. J’ai pas le temps de me retourner qu’une douleur lancinante perfore ma gorge, tandis que deux rangées de dents s’enfoncent à l’intérieur, creusant un sillon dans ma chaire pour mieux l’avaler. Non !!
J’essaie de repousser le zombie qui m’a mordu, je ne me défends plus devant. Les amas de morts se poussent pour se ruer sur moi, je sens leurs griffes qui déchirent mes vêtements et ma peau. Je me secoue dans tous les sens, je veux survivre ! Je veux vivre ! Laissez-moi vivre !!!
Une nouvelle douleur horrible me prend les entrailles tandis qu’une chaleur, jusqu’ici inconnue, ruisselle sur mes jambes. Je baisse les yeux, tous mes organes croulent vers le sol, sont arrachés et dévorés. On me secoue dans tous les sens, je fais tomber mon épée. Je veux vivre. Je veux vivre. Au-dessus, les corbeaux volent en cercle. Je vois plus le soleil. Je veux vivre.
La Pirate : C’est une putain d’marée humaine qu’avale nos gars. En première ligne, y a un soldat qui vient d’crever, le bide à l’air. Dégueulasse. Les mages essaient d’sauver ceux qui sont déjà dans les vapes, c’est des abrutis. Je recharge mon arbalète et j’entends une mage qui encourage les autres à soigner l’capitaine. Finn vie sur le fil, évanouie, il aurait déjà dû crever six fois. Et nos meilleurs gars, à côté, peinent.
« Laissez-le crever, bordel !!! Il est cuit, c'qu'une loque qu'aura même pas la force de bouger l'bras une fois réveillé ! Il est DÉJÀ mort !!! »
Comme pour faire comprendre aux abrutis, je pointe du doigt Kefka et Chaz.
« Y a pas trente-six abrutis qu'arrivent à déblayer ces enculés d'crevés, alors soignez l'Astiqué d'la Hache et son copain lézard ! Si vous dépensez votre énergie dans des cadavres en sursis, ON EST MORTS ! »
Si ça leur plait pas, c’est pareil. Ils ferment leur gueule et ils écoutent les ordres, c’pas compliqué. Ça gueule soudain pour du feu. Ils veulent foutre le feu à c’te foutue armée de zombies. Pas con, mais j’suis sceptique. Si les crevés flambent, on flambera aussi… Et la cité avec.
Le Prêtre de Vénéra : Peu à peu, la nouvelle se répand parmi l’armée. On a des fioles d’huile, mais rien pour les allumer. Les requêtes fusent, ça crie dans tous les sens. On est dans une cuvette, aux mains avec une armée de morts et on cherche un briquet. J’en rigolerais presque. Mages, guerriers, archers, tout le monde fait passer le message. Mais personne n’a ce qu’il faut. Personne, sauf un.
Car soudain, contre toute attente, j’aperçois une main se dresser au milieu des cadavres. C’est Steiner, l’écuyer. Je le croyais mort. Il balance un briquet en direction des nôtres. Ce sera sa dernière action.
Un gars que je ne connais pas récupère le précieux, il a la fiole dans les mains… Qu’est-ce qu’il attend ?! Je me tourne vers la première ligne, il faut qu’elle tienne… C’est à cet instant que je vois Finn partir en lambeaux, son chapeau de paille avec. Si les Kaïnites et le gladiateur tombent, les autres guerriers ne tiendront pas et ce sera la débandade.
Par chance, nos archers ne sont pas en reste. Ils sont calmes, méthodiques. À l’arrière, ils n’ont pas cette peur atroce qui les étreint et cette voix d’outre-tombe qui leur susurre leur mort prochaine. Pas encore. Aussi, ils s’évertuent avec calme à descendre oiseaux et nécromanciens. De nouvelles flèches fusent en sifflant et se plantent dans l’un des nécromants, qui s’effondre sous les coups. Pour la première fois, l’espoir renaît en moi.
Le Kaïnite : Bon, ils l’allument leur fichu machin ? J’ai le dos en compote, les morts nous labourent les cuisses. Je peine et j’entends Chaz peiner aussi. Ça arrive pas souvent, ça pue la merde. Je fais un demi-tour et balaie d’un revers de masse les rangs ennemis, je décapite des zombies à la volée, par poignée. Mais ça suffit pas… Pas loin, l’immense squelette avance. Lui il est calme, mais faut dire qu’il a plus rien dans le ciboulot. Il s’acharne sur le gros chien, qui va pas tarder à y rester aussi. Le loup a un sursaut de courage, ou de chez pas quoi d’animal, ses oreilles se plaquent vers l’arrière, une salive ensanglantée s’échappe de sa gueule et ses canines ressortent dans un grognement sourd. J’ai l’habitude des Ts’Raal, mais ces trucs-là, c’est différent. Ça sent le musc. L’homme-loup plante ses griffes dans les côtes du squelette et les chopes à pleines pattes pour les briser en deux. Pas mal, le clébard. Le squelette l’achève juste après. Pas mal, mais pas suffisant.
La Pirate : Bon, les gars, soyons honnêtes deux s’condes. On a foutu un réveilleur de morts d’mes miches à terre, mais l’aut’ est en pleine forme. En bas, ça bastonne encore, et surtout ça crève. Ça crève par poignées. Personne arrive à allumer d’feu, personne arrive à contenir les bestiaux qui nous font face. On va crever, point barre. Sauf que moi, j’veux revoir la mer, pas crever au milieu du sable. Ici, y a même pas une flaque de merde dans laquelle s’affaler. Faut qu’on sonne la r’traite, c’est tout !
J’en fais part au cap’taine, qui r’fuse en bloc. Évidemment, les elfes, ça à d’l’égo, ça vie en grande pompe avec les ch’veux qui brillent. La r’traite, ils connaissent pas. Sauf que la r’traite, on va la vivre en bordélique dans pas longtemps, c’moi qui vous l’dit. Même les mages commencent à être salement amochés. Le templier est en sang, il va clamser, pareil pour l’illusionniste qui se fait pomper la boule par l’autre enfoiré. Dommage pour le prêtre, il était mignon. J’lui aurais bien fait sa fête, tiens.
Le Prêtre de Vénéra : La première ligne tombe comme des mouches, un gladiateur vient de se faire tuer sous mes yeux. Sur moi, un jet de sang éclabousse mon visage. Je ne réfléchis plus, je me laisse tomber à genou.
Le Kaïnite : Ça remue sévère en première ligne, on a la moitié de nos hommes qui sont tombés. Bon, quand je dis « hommes », c’est la moitié de notre piétaille, ceux qui étaient voués au casse-pipe. N’empêche, on reste désormais la seule défense entre la mort et l’armée libre du Pharaon. Ça va chier sévère. Même les mages commencent à tomber, les squelettes armés d’arc leur trouent la peau ! Soudain, une aura de lumière m’éblouit. Je plisse les yeux, je me demande quelle connerie va encore nous tomber dessus lorsque j’aperçois Thorsien, qu’avait rien demandé, se faire bénir d’un rayon de lumière salvateur. C’est quoi, ce merdier ? Je tourne la tête ; Malénor est en train de prier Vénéra. Pas con. Pas suffisant non plus, à mon avis, mais pourquoi pas.
La Mage du Désert : Le Pharaon apostrophe l’armée, donne ses ordres. Soigner les Kaïnites, tuer les nécromanciens. Avec tout le respect que j’ai pour mes dirigeants, cela n’aide en rien, on était déjà sur le coup... Pire, les tensions explosent. Eithleen, qui vient de retrouver la tête de son écuyer, se met à hurler et déverse sa rage sur le trio royal. Le Kaïnite se met à hurler des paroles incompréhensibles et abat une masse translucide devant lui. Mais ça sert à rien. Rien.
Devant, nos meilleurs soldats sont décharnés, en sang. Les kaïnites et les gladiateurs sont à peine debout, ils vocifèrent en tailladant tout ce qui bouge, mais on le leur envoie au centuple. Thorsien est déchaîné, il laboure les ennemis, les décapite en hurlant, appelle les zombies à se ruer sur lui pour mieux les trancher en deux. Il est devenu fou, je crois. Les soldats ? Morts, il ne reste plus que les archers. Heureusement, ces derniers tentent de donner de l’air aux kaïnites. Les morts-vivants tombent, des flèches plein la tête. Et j’aperçois certains, sur les toits, s’acharner sur le nécromancien encore debout…
La Pirate : Soudain, le nécromancien s’tourne vers moi. Ah p’tain d’merde ça sent pas bon ! J’ai pas l’temps de reculer qu’il pointe sa main dans ma direction et je sens mon énergie se faire sucer jusqu’à la moelle, je fatigue, j’ai mal, trop mal, putain d’bordel de merde, cet enfoiré est en train me pomper ! J’perd ma gniaque et lui en gagne d’autant plus. Mais quelle belle p’tite pute ! Et il ricane, l’enfoiré… Il ricane, bordel. On est censé gagner contre ça ?!
J’suis vénère, je recharge mon arbalète et je tire tout c’que je peux sur le connard en face. Mais ça suffit pas et y a du monde qui passe devant, qui m’empêche de viser. C’est pareil pour d’autres. Merde, merde et MERDE ! Les copains ont quasiment liquidé tous les piafs. C’est une pluie d’plumes qui tombe sur l’champ de bataille. Avec un peu d’chance, on verra bientôt l’soleil.
Une douleur pas possible me tire de mon observation. C’est encore l’enfoiré qui me suce. J’en peux plus, j’vais crever. J’le sens.
« Chienne de mortelle ! Tu vas mourir ! Vous allez tous mourir !!! » qu’il gueule. Tiens, ça cause un taré pareil ? Il s’adresse à son maître, prie pour lui, sauf que son chef est pas là. À moins que… ? Je regarde partout autour, scrute les murailles, mais j’y vois que dalle. J’saigne pas, mais j’ai l’impression d’m’être vidée. Comme quand j’suis morte… avant. L’impression d’être condamnée à mourir comme une merde, malade comme une chienne. Pas aujourd’hui. Pas c’te fois, c’est mort.
« J’vais… J’vais t’fumer, espèce d’enfoiré… »
Je tâtonne dans les plis de mon caban et j’trouve ce que je cherchais. Mon whisky. Il est plein.
« J'crèverais pas la bouche sèche... »
Sans même me soucier de c’que les autres pensent, j’ouvre le bouchon et le balance en contrebas, parmi les morts. Et j’bois. Je siphonne toute la bouteille, j’avale l’alcool à grands goulots, ça m’réchauffe jusqu’au bide. La bouteille ? J’la balance, elle est vide t’façon. Merde, ça tourne. Ah ah ah ! Quelle journée, sans déc’.
Le Prêtre de Vénéra : « Thorsien ! Vénéra est derrière toi !!! Taille-les en pièces !!!! ». Je suis assis, je n’arrive plus à me lever. Trois de nos soldats viennent de se faire dévorer sous mes yeux. De la bouillie, voilà ce qu’il reste d’eux. Même le centaure a disparu. On discerne des dents, des yeux, des touffes de poils et de cheveux, mais c’est à peine si leurs vêtements disloqués et les armes qui gisent au sol permettent de reconnaître ceux qui furent, récemment encore, nos alliés. Nos amis.
Soudain, j’entends Cat’ qui baragouine un truc. Je lève les yeux vers son perchoir et je la vois qui se met à picoler. Si elle se met à boire, c’est qu’elle pense en finir aujourd’hui. Visiblement, les marins sont fidèles à leur réputation. Mais moi, ça m’énerve. On y est presque, il reste qu’un mage noir debout. On peut tenir, on doit tenir ! Moi, je suis vidé. Mais les autres ? J’en perds mon sang froid.
« Vous n’allez pas me dire que plus personne ne peut soigner les guerriers ?!? Laissez pas Cat' tomber ! Elle en écraserait un de vous en tombant du toit !! »
J’esquisse un sourire avant de crisper ma main sur mon épaule, qui me lance encore. Petit à petit, pourtant, j’oublie la douleur. J’interroge les individus qui se tiennent derrière moi.
« Mais y a personne pour reprendre le relais de la première ligne ?! Personne d’autre ne peut s'engager pour soutenir Kefka et Thorsien ?? Par Vénéra, faites-les tous brûler... »
Mais personne ne les fait brûler. Personne n’y arrive, et personne ne souhaite se ruer vers la mort. Je les comprends, en un sens. Mais on est si proche de la fin… Tellement proche… Je vois la mage, la femme de Steiner. Elle est prostrée contre la paroi d’une des chaumières, toujours en état de choc. Ce sont les jurons de Cat’ qui la sortent de sa torpeur. Heureusement, sinon j’allais la réveiller à grandes baffes. L’élémentaliste souillée de sang projette un souffle iodé vers Cat’, qui semble reprendre des forces d’ici. Une autre mage se joint à elle. Cat’ reprend des couleurs. Bien, fume-le-nous, maintenant !
La Pirate : P’tain d’merde, j’arrive plus à encocher mon carreau. Et qu’ça r’tombe, et qu’ça glisse au bord du toit, et que j’perd l’équilibre et atterrit sur le cul. J’commence à voir double, c’pas bon, mais c’est plaisant. Soudain, j’sens mon énergie augmenter, ça percute dans mon ciboulot, j’regarde en bas et j’vois des lascars qui m’balancent leur magie à la tronche. Ça marche pas mal ! J’ai chaud, j’suis bien, l’euphorie m’monte à la tronche lorsque j’aperçois Théodoras qui vise le nécromancien d’mes miches. Il prend son temps. Il attend quoi ?! J’me dirige vers lui et j’lui dégueule mon haleine de pilier d’taverne au visage pendant que j’le secoue comme un prunier.
« T'es un homme, Théo, arrête de réfléchir et tire ton coup bordel ! Envoie tes giclées dans la face de ce gros porc !!! »
Délaissant l’forestier, je m’agrippe au bord du toit et m’penche vers le bas. Oh bordel ! Pas trop, Cat’, pas trop… J’interpelle les potes qui m’ont soigné, j’les remercie à ma façon.
« Pour tous ceux qui m'ont soigné, j'vous paierais une bière ! VOUS ENTENDEZ ?!?! J'VOUS OFFRE MA PUTAIN D'TOURNÉE !!! »
J’braille et postillonne mes gouttes d’alcool pendant que Dil’ gère la gestion des archers. Y donne ses ordres, mais j’les capte pas vraiment. Même pas sûre qu’il s’adresse à moi, d’ailleurs. Mais personne fout rien, ça parlotte et ça parlotte encore et bordel que ça m’soûle ! J’dégage ceux qui m’bouchent la vue et m’approche du bord du toit. Si personne veut l’flinguer, j’vais l’faire et basta !
En tâtonnant, j’arrive à encocher un carreau. J’vise. Merde, y sont combien les nécromants ? J’croyais qu’il en restait qu’un. J’cligne des yeux, j’ouvre grand les mirettes. Allez, à l’instinct, Cat’, réfléchis pas, ça t’as jamais réussi ! J’tire.
La Mage du Désert : J’en peux plus. Peu importe où je tourne la tête, je vois mon peuple zombifié dévorer mes nouveaux camarades. Je crois que j’arrive à saturation. Machinalement, je soigne le kaïnite autant que faire se peut. Je crois qu’il va mourir, lui aussi. J’ai envie de m’asseoir et de me laisser aller. Mourir à la guerre, c’est une fin qu’on annonce toujours comme héroïque. Les bardes oublient seulement de parler des corps décharnés et éventrés, de l’odeur collante et révulsante du sang et des boyaux chauds qui tapissent le sol, des cris et des pleurs de ceux qui meurent. Car oui, ceux qui meurent finissent toujours, quand ils ont encore un peu d’espoir, de crier, de se débattre, d’espérer, de supplier même. Puis l’inéluctable arrive…
J’entends siffler au-dessus de ma tête, venant des toits. Cat’ vient de tirer et, avec elle, plusieurs autres archers. C’est une nuée de traits qui filent jusqu’au mage ennemi et le percutent de plein fouet. J’en suis presque jalouse ; jalouse de ne pas pouvoir venger mon peuple moi-même. J’aurais rêvé brûler ce fumier… Il tombe au sol. Je crois qu’il est mort.
Le Kaïnite : Sans chef, la première ligne me revient. C’est le Pharaon qui l’a décrété, mais c’est un cadeau empoisonné ! Par Kaïn… Elle est morte, notre première ligne !!! Je réclame un soutien aux archers, pour qu’ils décanillent les morts autour du gladiateur, lorsque tout s’effondre.
Tous les morts, les squelettes, tout. Ils s’écrasent au sol, sans vie. On doit être quoi… Quatre, cinq peut-être, debout en première ligne ? On a du sang plein la gueule, on est rouge, totalement rouge. Mais on est debout. Merde, on est en vie quoi !!!
Le Prêtre de Vénéra : C’est pas possible… On a survécu ?! Je suis toujours à genoux, je pisse le sang, les cadavres qui m’entouraient ont failli m’engloutir en chutant. Mais je suis toujours entier.
« On a eu chaud du cul !! Bien joué, tout le monde ! », que je m’exclame, ahuri, en avisant le reste de l’armée. Je me remets sur mes pieds, tant bien que mal. Je les sens plus et j’ai mal aux côtes. En fait, j’ai mal partout… Mais, hé, je ne suis pas mort !
Évidemment, on n’en a pas fini. Nous n’avons toujours pas tué Kazim Baladhour, celui qui dirige cette congrégation d’emmerdeurs nécromantiques. Les archers quittent leurs perchoirs, les mages pansent les plaies et ceux qui en sont encore capables fouillent les décombres afin de récupérer toutes les armes possibles pour la prochaine bataille. Il va falloir être prêts.
Soudain, la silhouette titubante de Cat’ m’attrape le visage et m’embrasse. Elle pue l’alcool, mais ce n’est rien comparé aux odeurs de mort qui nous entoure. C’en est presque enivrant.
« On est vivants, mec ! T’es en vie, mon gars ! » qu’elle me dit après avoir décollé ses lèvres des miennes. Je suis en vie.
Le Kaïnite : Du pipi de chat, voilà ce que c’était. Des préliminaires et encore que, j’ai à peine bandé. On a combattu, allez, quoi, une demi-heure à tout péter ? Bon, d’accord, on a perdu une bonne partie de l’armée. Mais c’est la guerre, c’est comme ça. On va pas en chier une hallebarde !
Déjà, ceux qui ont servi à rien commencent à fouiller les lieux. Ça me porte sur le jonc. Je donne des ordres, direct, dans le doute où y aurait des pillards.
« On va être clair. Les armes pour les guerriers, surtout si ce sont des armes de guerre. Tout comme les protections suffisamment épaisses pour amortir des coups et solide pour péter les dents des monstres qui tenteraient de mordre. Les arcs, arbalètes, pour les archers. Si votre matos est de meilleure qualité, pas la peine de récupérer d'armes, laissez votre place. »
L'Illusionniste : Nous apportons les derniers soins à ceux qui en ont besoin. Tout le monde se rue sur ses amis encore en vie, se félicite d’avoir survécu, d’être là, toujours. Ils en oublient les morts, par dizaines, de notre armée. Ou préfèrent peut-être les oublier pour tenir. De toute manière, rien n’est encore terminé.
Subitement, j’aperçois mon ami fidèle, Valentök, rendre le contenu de son estomac (à peu près au même moment que Cat', mais pas pour la même raison...), plié en deux, appuyé sur son bâton. Le contrecoup de l'atrocité et de la mort d’Iskander. Il relève lentement la tête, usé, son regard parcourt les survivants, le champ de bataille et le pont détruit.
« Où va-t-on... »
Je ne suis pas certain qu’il évoque la simple direction dans laquelle l’armée se doit désormais d’avancer… Il traîne les pieds, sa cape est devenue plus marronnasse que bleu, il rejoint les restes de notre ami. Il se parle à lui-même, tout haut.
« Il pouvait pas mourir avant nous, pas lui... on a servi à quoi ? »
Les larmes me montent à la gorge, malgré moi. Je ne pense pas être prêt à faire mon deuil. La tête de Valentök erre un instant dans ma direction, puis ses genoux cèdent et je le vois tomber devant les restes de notre prestidigitateur d’ami, vidé.
Le Kaïnite : J’accroche une épée à ma ceinture, ainsi qu’une petite hache. Ce sera utile. Puis je me tourne vers ce qu’il reste de l’armée. Faut les booster ou on va dormir là.
« Profitez de cette accalmie tant que vous le pouvez, la guerre est loin d'être gagnée. Récupérez le maximum d'objets qui nous pourraient être utiles, tout en gardant en tête que nous ne pourrons tout récupérer. Après tout, ces biens serviront à la cité une fois qu'elle sera libre de toutes menaces. »
La Pirate : Il s’avance parmi les hommes, ou recule, j’sais pas trop à dire vrai. C’est bien Kefka qui cause, là, non ?
« J'ai conscience qu'il faudrait pleurer et honorer ceux qui sont tombés aujourd'hui, mais nous n'avons pas le temps. Notre prochaine action doit être décidée au plus vite, avant que ces satanés corbeaux ne sonnent l'alarme. Pharaon, nous attendons vos ordres ».
Ouais, Pharaon, donnez vos ordres pour qu’on aille encore au casse-pipe pendant qu’vous vous touchez à l’arrière. Boarf, ça m’intéresse moyen, j’ai même pas ma tronche à tous les étages. J’m’écarte de Malénor et observe c’que j’arrive à capter de nos gars. Ça s’morfond pas mal. Je vais essayer d’les bouger un peu, à ma façon.
« Félicitez-vous d'être en vie, c'pas finit toute cette merde. »
Hmm, mouais. J’ai pas l’tact de l’astiqué d’la hache. J’aperçois Eithleen dans un coin. Elle est cool, Eithleen. M’a soigné d’t’à l’heure, ça j’oublie pas. Je m’fous à côté d’elle et lui tapote l’épaule, j’ai le r’montant qu’il faut.
« Hé, Eithleen… T’veux une bière ? »
La Mage du Désert : Frustrée. Je suis frustrée d’avoir été reléguée au rang de soigneuse. Qu’est-ce que j’en avais envie, tout à l’heure, de libérer les flammes sur ces créatures ! Et pourtant, partout où je pose le regard, je n’ai pas vu un seul ennemi. Maintenant que la menace est anéantie, je ne vois que des amis, des amants, des voisins. Je vois toutes celles et ceux qui faisaient la vie, le fiel, de mon foyer, qui disparaissent en fumée. Je n’ai plus de maison. L’odeur est insupportable, je crois que je vais vomir.
Un Ts’Raal me parle, je ne l’entends pas vraiment.
Les éclats de joie, les vomissements et les congratulations, les critiques et les questionnements, les déplacements des combattants qui, tels des vautours, s'affairent à récupérer ce qui peut l'être du tas de charognes, toutes ces paroles et ces bruissements qui résonnent et tapissent l'air inerte après la tourmente de la bataille, glissent sur moi sans m'atteindre. Je crois que le sens même de cette nouvelle victoire éphémère m’échappe totalement.
Finalement, je finis par imiter certain et me laisse choir au sol, malgré la sagesse des paroles du Kaïnite. Oui, nous devons nous hâter, mais j’en ai ni la volonté ni la force, là, maintenant.
Une fois assise, les larmes me montent aux yeux. Je crois que je vais craquer. J’enfouis mon visage dans mes mains, m'isolant du monde, plongeant ce cauchemar dans l'obscurité tant que je le peux, m’octroyant un semblant d’intimité. Je sais très bien que je vais devoir à nouveau affronter ce chaos, à la lumière brûlante du soleil de Balamoun. Mais là, c’est non.
Le Prêtre de Vénéra : Rien n’est encore joué. J’ai du mal à me satisfaire de cette microvictoire, comme certains. D’autres accusent le coup, c’était un dépucelage en bonne et due forme. Une bataille sévère, plusieurs y ont laissé la vie. On a pourtant fait du bon boulot, malgré tout.
Les cadavres jonchent le sol, disparaissent peu à peu dans les limbes. Et nous, nous sommes encore debout. Debout et hagards.
Tandis que beaucoup attendent les ordres de Pharaon, c’est Baïkal qui prend les devants. Le nain nous a géré avec brio, nous les mages. Je l’écoute patiemment, je sais qu’il parle rarement pour ne rien dire. Il pointe les murailles qui ceignent la Cité Sacrée de son doigt boudiné.
« Il va falloir passer par là et débusquer ce Kazim. Espérons qu'il soit aussi sensible aux terribles carreaux de notre capitaine de navires que l'ont été ses sous-fifres. Si l'on doit s'attaquer à une formation du même type que celle que nous venons d'affronter, je pense que le plan n'a pas besoin d'évoluer. Il faut simplement que nous agissions de façon plus synchronisée. »
Kazim Baladhour, le chef de ces maudits nécromanciens. À ces paroles, j’ai l’impression que tout ce que nous avons accompli aujourd’hui n’est qu’une pierre d’un immense édifice.
Le Kaïnite : Le nain mage se tourne vers ma gueule.
« La première étape c’est de lancer le grappin de Cat’, là-haut, et d’envoyer quelqu’un jeter un coup d’œil. Ensuite soit on passe tous par la corde, mais ce ne sera pas forcément évident pour tout le monde, soit on peut ouvrir les portes de l’intérieur. Il faut être plusieurs pour activer les lourds mécanismes à l’intérieur. Tu te sens de lancer le grappin ? »
Bien sûr que je me sens de lancer le grappin, par Kaïn. Son plan me plaît, il a le mérite d’être rapide à effectuer et d’éviter nous faire rester sur place. Mais merde, escalader ça ? Ça va être coton. Je commence déjà à observer les murs, ses failles, là où on va devoir balancer ce foutu grappin, pendant que le nain cause à ses hommes.
« Il est toujours difficile d’être tiraillé entre soigner l’avant-garde ou soutenir des compagnons de longue haleine. Mais ce n’est qu’à ce prix que nous parviendrons à libérer la cité.
Je ne sais pas si je joue de malchance, mais j’ai la sensation que la magie est de plus en plus volatile. Plusieurs sorts que j’ai l’habitude de lancer sans les préparer ont échoué aux pires moments...
Malénor c'était un coup d'éclat de te tourner vers la prière. Mais tu sais bien qu'en aucune façon nous ne pouvons soigner un mage en priorité. Nous sommes la ligne la moins essentielle au combat. »
La Pirate : Quand Eithleen s’tourne vers moi, je sais pas trop déchiffrer sa tronche. J’ai l’impression qu’elle va s’effondrer ou m’frapper. Faut dire qu’avoir perdu son gars, c’est pas facile à digérer. Son visage se transforme en une mer plate et sans reliefs, pis elle me répond.
« Oui, je la veux bien ta bière. Buvons donc à ceux qui se sont sacrifiés, hein... »
J’sors ma binouze en bouteille et la file à la mage. Moi j’crois qu’il faut pas que je boive plus, j’ai d’jà dégobillé… Merde, le sol a jamais autant tremblé sous mes pattes, même en pleine houle. Bon, vaut mieux boire là qu’sur le navire. Faut pas croire. J’suis pas conne, non plus. Pas trop.
Le Prêtre de Vénéra : Là, c’en est trop. Je rejoins Baïkal en boitant, mais ma colère efface toute douleur.
« Comment ça, nous sommes la ligne la moins essentielle au combat !!! Il n’y a pas de ligne moins essentielle !! Les trois sont indispensables et indissociables. Tu te fous de nous, Chef ?? Sans soins tu crois qu’on aurait tenu combien de temps ??!! »
Je suis en train d’exploser. Ce que dit Baïkal est stupide, mais je crois surtout que je suis à bout. Donc il prend pour tout le reste.
« J’ai jamais, JAMAIS, demandé le moindre soin. Tu me prends pour qui ? Je n’ai nullement peur de la mort, Baïkal. Quant allez-vous commencer à penser stratégie militaire, par Vénéra ! »
Faut que je me calme. J’inspire un grand coup, des fois que ça m’aiderait.
« Je vous l’ai dit et expliqué, à toute notre ligne. C’est mathématique : une quinzaine de flèches en moins pour la première ligne. Tu vois, Baikal sur une quinzaine de lanceurs de sorts, combien auraient volontiers servi de cible de diversion ? A priori, j'ai eu ma réponse. Un seul. Ce que j ai demandé, c'est que quelqu’un d’autre encaisse à ma place. Qui aura pu prendre une flèche ou deux à la place de la première ligne ?? Ça nous a fait ça de moins à soigner ! »
Autour, les gens se taisent, j’ai l’impression de me donner en spectacle. Autant que je finisse, dans ce cas.
« C’est de la stratégie globale. C’est tout. T’es indemne, ça sert à quelque chose ?? J’aurais pu me planquer quelque part, mais... tu veux savoir en quoi consistait ma prière inespérée ? J'ai demandé une protection pour la première ligne et des soins pour Cat'. C’est là où j ai dépensé mes dernières forces. Si tu penses une seconde que nous sommes une ligne moins utile, je ne vois pas ce que tu fais à notre tête, Baïkal ! Fais au moins attention à ce que tu dis. »
La Pirate : Ça s’échauffe le cul, mon templier pète un boulon. Merde. J’me sens d’humeur à rentrer dans la danse. Remerde. Je m’étire bruyamment et j’apostrophe les connards qui râlent de voir une armée fouiller un champ de bataille.
« Bon sang d'merde, arrêtez un peu vos chars ! On pille pas, on ré-cu-père ! Vous voulez aller à l'assaut d'votre Pyramide avec vot' bite et vos matos abîmés, faites. Pas moi ! Y a des armures, des outils d'défense, des armes hors normes dans c'charnier et faudrait les laisser là ?! La bataille est pas finie, faut tout mettre de son côté ! »
Je jauge un instant la muraille et, surtout, la porte de la cité sacrée qui donne sur le vide total, en l’absence de son pont, et siffle devant le spectacle.
« Et bah... À moins qu't'ai une idée, Baïkal, faudra qu'on grimpe tous par l'grappin. Ta porte elle est plus vraiment rattachée à quoi qu'ce soit, mon canard ».
Laissant Malenor tempêter contre son capitaine, je tangue vers Dil'inthar et Kefka.
L'Illusionniste : J’aperçois la rouquine foncer comme une tortue en direction des chefs de la première et troisième ligne. Curieux d’entendre ce que les autres groupes de l’armée mettent au point, je tends l’oreille et entends les propos de l’écumeuse du grand large.
« Z'avez raison, faut pas traîner. Mais si on y va dans c't'état, on est cuits. C'vous les grands chefs, mais faut vraiment qu'on s'soigne et qu'on s'requinque à fond. Tous. Et avec c'te magie à la con, ça va prendre du temps, c'est certain ».
L’a pas tort, mais ça va être long… D’un œil discret, j’observe Pharaon et la royauté. Ils n’ont que peu parlé pour l’instant, ils laissent les membres de l’armée s’écharper. J’apprécie moyennement, mais nul doute que… ah, voilà Angus qui s’avance.
« Que ce soit clair, les biens des défunts iront à leurs proches qui auront le devoir de leur rendre une fois la guerre finie. Nous ramassons ce que nous pouvons et la répartition se fera en fonction des besoins, la priorité va aux guerriers. Ainsi Kefka, à vous de décider ce que prendront vos hommes, le reste des affaires ira aux mages et aux archers. Soyez fiers de vous tous, vous avez combattu avec honneur. »
Le Kaïnite : J’ai pas le temps de répondre au vieux Vizir que le Pharaon se rapproche. Ça se bouge enfin, ça me plaît.
« À présent, il nous faut pénétrer dans la Cité Sacrée, nous y serons à l'abri derrière les remparts. Le temps presse, car comme cela a été dit, nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle attaque. Kefka, Dil'Inthar, mettez-vous d'accord sur lequel de vous deux lancera le grappin sur les remparts. Décidez et faites le savoir à la maîtresse d'équipage, elle vous fournira alors ledit grappin. »
Sa sœurette s’avance à son tour et complète.
« Dil'inthar, votre bataillon grimpera le premier. Une fois en haut, sécurisez la place et une fois cela fait, vous devrez couvrir la retraite des mages. Quant à vous, maître Kaïnite, une fois les archers sur les murailles, les mages monteront et votre groupe suivra droit derrière. Est-ce que tout est compris, messieurs ? »
Donc tout le monde grimpe et mes gars se feront grignoter le cul si jamais les morts-vivants rappliquent vers la fin. Pour sûr que j’ai compris, ouais.
Le Prêtre de Vénéra : Les esprits s’échauffèrent encore un peu, mais lorsque Dil’inthar balança le grappin de Cat’ et que ce dernier s’agrippa à la muraille, l’attention de chacun se riva sur la montée qu’il nous restait à faire. Une sacrée escalade.
Fidèle à elle-même, Cat’ se prépare déjà à grimper à la suite de son capitaine. Elle a sorti des sangles d’escalade, là, devant tout le monde, et commence à s’équiper. Cette femme est extraordinaire. L’armée a passé des mois à chercher comment concevoir des échelles et des grappins de fortune et elle se ramène avec tout le matériel. En espérant que l’alcool qui zone dans son corps ne va pas lui faire faire une mauvaise chute…
La Pirate : J’dégouline de sel, j’ai les pieds en compote et les mains aussi râpeuses qu’si j’avais grimpé une journée entière jusqu’au mât d’misaine. Mais rien à foutre, j’arrive, j’vois déjà Dil’inthar plus haut. Mon bide me fait un mal de chien, j’ai tâtonné pour arriver jusqu’en haut, c’tait pas d’la tarte. Les gamins veulent buter du dragon pour faire un exploit reconnu d’tous… Escaladez une muraille pété comme un poivrot, ça ce s’ra un exploit !
J’arrive enfin sur les murailles et j’m’assois, j’essaie d’me calmer. J’suis en sueur, les copains commencent à nous r’joindre, mais je sais qu’mon ventre c’est un volcan. En éruption.
Sans vraiment crier gare, j’me penche en contrebas, vers le vide des gravas et j’dégueule tout c’que mon ventre a tenu dans la journée. J’ai mes tripes qui s’retournent et qui s’nouent, j’agrippe les créneaux pour pas tomber. S’rait con.
J’en ai plein la bouche, ça s’déverse comme une source pis, peu à peu, ça faiblit et ça s’calme. Woaw, j’sais pas qui j’ai arrosé en bas, mais il a d’quoi dîner pour la journée. Moi, par contre, j’commence à avoir la dalle.
Le Prêtre de Vénéra : On avait à peine fini de grimper que des corbeaux se sont rués sur nous. Aussi, chacun s’est enfermé dans la Pyramide et a attendu les ordres. Les ordres, c’était d’attendre.
La Mage du Désert : Je déambule dans les couloirs de la Cité Sacrée. Je me sens chez moi. Lorsque nous sommes arrivés, la Pyramide était vidée. Aucun ennemi ne s’y terrait, seulement quelques rescapés du cataclysme qui avaient réussi à s’enfermer à l’intérieur par on ne sait quel miracle. Jamais je n’avais vu la Cité Sacrée si animée. L’ost prenait les couloirs, la salle du trône, on marchait régulièrement pour pas se morfondre ni prendre de crampe. Ce n’est pas évident d’être une cinquantaine de rescapés, là, à attendre l’orage. Car si nous n’avions pas trouvé Kazim Baladhour dans la Cité, c’est donc lui qui viendrait nous trouver. Du moins l’espérait-on. Et espérait-on que la Pyramide ne se transformerait pas en tombeau.
L'Illusionniste : Le plus difficile, dans une guerre, c’est lorsque l’on se retrouve dans l’œil du cyclone. L’attente, le calme, lugubre, qui s’abat sur nous et nous emprisonne sans autre possibilité que celle de patienter pour la suite. Et n’entendre rien d’autre, dans ce tombeau pyramidal, que l’animation que l’ost du Pharaon y apporte. C’est glauque, la Forêt me manque.
Le Kaïnite : Et soudain, tout tremble. Voilà qui me plaît ! Les murs hurlent, ça couine et ça tambourine à la porte. On se réunit fissa. Ça se fissure.
La Pirate : J’étais partie fouiller l’armurerie pour réapprovisionner les gars en armes, mais que d’chi ! C’est à c’moment là qu’le vacarme s’est l’vé, c’était un merdier sans nom, ça ouais. J’avais la vision plus nette, mais le whisky m’tapait encore sur le crâne, j’avais la tête dans les vagues quand j’me suis traînée en direction des bruits.
Le Prêtre de Vénéra : Plus rien d’humain, la créature immonde qui avait explosé les portes n’était plus Kazim Baladhour. Le sorcier maudit de Balamoun faisait désormais partie intégrante d’un amas de corps en putréfaction, ses tentacules visqueux hurlaient de râles de morts-vivants qui s’étaient assemblés pour l’occasion. Je n’avais rien vu de tel de toute ma vie. Une sculpture de corps, un golem de chaire, pilotée par notre ennemi.
« Hé bah alors ?!?! On attend pas Cat' ?! »
La Pirate : J’crois pas mes yeux, à tous les coups c’est l’alcool. Ça peut être que l’alcool. C’peut pas exister, un truc pareil. Des corps, des corps, partout, une boule de pue et d’corps qui s’agrippent aux murs et aux autres. P’tain, c’est vraiment dégueulasse !
« Merde, on dirait c'qui sort de mon pif quand je me mouche ! Mais en beaucoup plus gros... et beaucoup plus vivant ! »
J’suis inspirée. Faut dire qu’avec le tableau qui m’renifle sous la gueule, va falloir carrer fissa ou rentrer dans la mêlée. J’vois soudain Aymeric, un d’mes gars, qui s’bastonne avec une excroissance du taré. Leks et Moric tentent de l’aider, l’appellent à les rejoindre en retrait. Merde, j’peux pas le laisser là. Bon bah… On rentre dans la mêlée !
Le Kaïnite : La porte avait explosé, foi de kaïnite. Ce que j’avais sous le nez, ça me plaisait franchement. Ça, ça pouvait promettre un sacré combat ! Déjà, Thorsien se ruait sur la bestiole, ça la jouait jokari à se faire renvoyer dans les airs et revenir à la charge. Il est courageux, le gladiateur, y a pas à chier qu’il en a dans le pantalon. Il va jusqu’à tenter de grimper sur le bestiau. Un grand malade.
Ça rechigne pas à la bastonnade en tout cas.
À côté, le troubadour du groupe prépare ses bombasses, il en balance une qui enflamme l’amas dégueu. En guise de remerciement, le… truc a soudain latté la gueule du barde avant qu’il ait le temps de balancer ses autres bombes incendiaires. Rien à carrer, c’est ma lame qui va percer ce truc. Pas besoin de leur feu de mes deux. Les archers envoient leur purée, ça siffle aux oreilles de tout le monde, la plupart hurlent tellement ils ont jamais affronté un truc pareil.
La Mage du Désert : Par chance, j’avais évité de peu les débris dus à la déflagration de la porte. C’était… impressionnant. Je me suis figée, j’étais incapable de faire quoi que ce soit tandis que mes frères et sœurs d’armes se faisaient attraper, rejeter, écraser. Un chaos qui venait nous percuter de plein fouet après ce calme étrange qui nous avait rendus presque amorphes.
C’est là que je vois La Mano et ses bombes faire leur œuvre, avant que le barde ne soit balancé contre un des murs de l’édifice. Son crâne s’ouvre et une trace de sang s’étale sur l’architecture. C’était ce qu’il me fallait pour me réveiller, je me jette dans sa direction et lui attrape le visage.
« Ne bouge pas, t’as le crâne ouvert, tu vas perdre ton sang ».
Je pose une main sur sa tête, une autre sur sa poitrine et je fais ce que je sais faire le mieux depuis le début de la bataille ; je le soigne et lui sauve la vie. Dans un sens, ça me rassure. Je n’ai pas cette impression vaine d’utilité futile qui m’assaillait depuis le début des combats. Je sauve des vies. C’est bien aussi… non ?
Quand la bestiole reçoit les projectiles, les centaines – plus ? – de bouches qui composent le corps du monstre hurlent un cri strident qui m’explose les tympans. On l’a mis en colère on a plus de marche arrière possible… Par contre, je ne suis pas aveugle. J’ai vu le feu, j’ai vu la douleur.
Le troubadour est à peine sur pied et moi tout juste épuisée que je le crible de questions.
« À ton avis, le feu ça lui fait bien mal à ce truc ? Tu l'as bien amoché avec ta bombe ? »
Soudain, un autre membre de l’armée est baladé dans les airs et retombe, inerte, sur le sol. Je ne peux pas sauver tout le monde… J’ai plus de forces pour la magie… Mais j’en ai assez pour mettre le gars à l’abri. Sans même attendre de réponse du barde, plus le temps faut dire, je me rue sur le blessé non loin et l’attrape par les bras. Et, tandis que les autres guerriers se battent comme des démons, je le tire du champ de bataille, tant bien que mal…
Le Kaïnite : L’horreur fait la valse, elle danse comme une furie. Moi aussi, j’aime danser, pépète ! Je suis disciple de Kaïn !!!
Le Prêtre de Vénéra : Une aura bleuté entoure Kekfa, tout devient électrique. Le sable est repoussé à ses pieds, un souffle d’air fuse tout autour de lui… Ça va péter. Toute l’énergie se concentre dans le bras du capitaine de la première ligne, tandis qu’une hache brille dans ses mains. Y a pas à dire, les Kaïnites, ils envoient..!
Le Kaïnite : « On dégage !!! » J’ai à peine prévenu les autres, pas le temps, tant pis, que je me jette vers la bestiole. Bordel barrez-vous ! La masse de monde m’emmerde, j’hésite, ça me plombe… Et la bestiole me renvoie valdinguer au-dessus de l’armée, je m’écroule à côté des archers. Putain de merde, ça c’est de la baston ! J’ai rarement vu un truc contrer une telle attaque. Ça me plaît. Ça plairait aussi à Kaïn.
Je me relève fissa, mon nez pisse le sang, mais j’ai le sourire aux lèvres. C’est une sacrée journée.
La Pirate : Il a valdingué sévère, l’astiqué de la castagne ! Wow, on est pas dans la merde, moi j’vous l’dit. À côté d’moi, Dil’inthar m’accueille avec une pique, comme j’les aime.
« Content que tu sois de nouveau parmi nous Cat'. Regarde, nous avons trouvé quelqu'un qui crie plus fort que toi... »
C’pas vrai. Personne n’a l’droit de crier plus fort que moi. Sauf les Kaïnite, ça, j’accepte, sinon ils me tatanent la gueule. Dil’ distribue les ordres, galvanise tout l’monde. Un bon gars, cet elfe. À côté d’ça, les pauvres types qui se sont fait prendre par surprise tentent de ramper et d’fuir jusqu’à nous, histoire de laisser la place à ceux qui savent se battre. C’est un bordel monstre.
La Mage du Désert : L’homme que je tire se fait soigner tant bien que mal par les autres, il reprend ses esprits. Je l’abandonne dans un coin et tempère les soigneurs.
« Ça va, ça va, il va s'en tirer ! Occupez-vous de maintenir debout ceux qui sont au contact ou qui tirent sur le monstre, il a l'air pas mal rancunier, ça m'étonnerait pas qu'il tape ceux qui lui font le plus mal ! »
J’ai à peine fini que deux déflagrations retentissent. Je me tourne vers les combats et j’aperçois Ezeukyl et Jeborian qui foudroient la bête à plusieurs reprises. La magie semble fonctionner. Et le feu aussi. Je regarde mes mains qui se mettent à crépiter. Il est temps que je leur montre ce qu’une pyromancienne sait faire.
Le Kaïnite : Je trottine jusqu’aux combats en reprenant mon souffle. Respirer, c’est la clé. Pendant que je retraverse nos lignes, j’interpelle les autres capitaines.
« Est-on sûr qu'il n'y a pas d'autres morts-vivants qui vont arriver derrière lui ? C'est quand même bizarre.... »
De justesse, j’évite un tentacule qui me frôle le crâne et s’abat contre un mur en le fissurant.
« ...je disais, c'est bizarre qu'il se ramène tout seul comme un con, non ? »
C’est là que je vois Thorsien, qui arrivait au sommet du bestiau, se faire valdinguer dans les airs. Il semble voler quelques instants et finit, gravité oblige, pas s’écraser sur le sol dans un nuage de poussière. Il a pris cher. L’horreur cadavérique se met à hurler et à trembler, c’est sacrément louche… Merde, c’est des goules ? Ouais, des goules s’extirpent de la bestiole et se ruent sur les premières lignes. Bon, bah j’aurais mieux fait de fermer ma gueule…
La Pirate : Et vas-y qu’ça hurle et qu’ça couine, qu’ça balance ses tentacules de merde et ses goules à la con, et vas-y qu’ça veut t’bouffer la fouffe pour le p’tit déj’. On est pas sorti des latrines, j’vous le dis. Bon, l’est temps de s’bouger, Cat’ ! J’essaie d’y voir clair, mais que dalle, y a du monde partout, ça grouille. Quand faut y aller… J’arme ma choupette et j’avance entre les lignes, nez dans l’viseur, prête à faire mouche. Le gros machin, c’est la magie qui lui pète le jonc, j’y mettrais ma main à couper. Du coup, autant aider les lascars qui s’font chiquer les mollets.
Quand j’arrive assez prêt pour voir une goule – merde, ça pue grave ces trucs – je tire. Héhéhé, rentre chez toi, salope ! J’la plante au sol et j’tire encore et encore, elle couine comme un chaton qu’on noie. Un chaton immonde qui fait la taille d’un veau, qu’aurait des dents détraquées et des yeux globuleux comme pas deux. J’leur fais la fête à ces saloperies. Y en a une que j’fais fermer sa gueule pendant que j’amoche l’autre et que Théodoras l’achève. Bon travail, le forestier !
L'Illusionniste : Visiblement, j’avais bien fait de garder de l’énergie sous le pied. La mise à bât horrifique de quelques goules en rajoute une couche, et le tableau de l'âpre bataille commence à prendre des couleurs rouge vif.
Moi, je suis immobile. J’observe, mon regard saute de blessé en blessé, chacun prit en charge rapidement. Soudain, j’aperçois un être inerte, au beau milieu de la mêlée. Accroché à mon bâton, je lève la main dans sa direction avant d’envoyer une boule de lumière incandescente dans sa direction. La sphère zigzague entre les combattants, évite coups et gestes brusques avec une fluidité sans pareil et s’enfonce dans le poitrail de l’elfe évanoui. Je suis vieux, mais j’ai encore de la magie à revendre, foi de Danarian ! J’aperçois aussi mon compagnon illusionniste filer derrière une colonne, le temps de se remettre. Pas folle, la guêpe ! J’aimerais le rejoindre, mais… Je suis si épuisé…
Le Prêtre de Vénéra : Nous étions de tous bords, de toutes nations, face à l’Apocalypse. Et, en plein combat, la Lumière descendit sur nous.
« Vénéra ! »
Ce n’est pas moi qui ai crié. J’observe, fou, autour de moi. Ai-je rêvé ?!
Le Kaïnite : C’est qui, ce con ?
La Mage du Désert : Incroyable. Une nouvelle silhouette pénètre dans la Cité Sacrée. Trop agile et rapide pour être un mort, trop haute de stature et droite pour être une goule. Le guerrier - car c’en est un, je crois - saute de rocher en rocher, de planches en planche, à même les débris d’une porte ancestrale désormais détruite. Un rayon de soleil illumine soudain l’espace et se révèle à nous un homme en blanc, portant l’effigie de la chouette, l’épée haute levée et la fierté sur les traits, un mélange d’honneur et de courage. Un templier, un des derniers. D’où vient-il ? Comment nous a-t-il rejoints ? Aucune idée. Toujours est-il qu’il est là et qu’il fonce tête baissée en direction de la monstruosité que nous combattons.
« L’Ombre ne saurait triompher tant que la Lumière de Vénéra inonde cette terre ! »
Le Prêtre de Vénéra : Et ainsi, tout s’éclaire. Kenath.
La Pirate : Encore un dégénéré d’la prière qui rapplique, il vient d’où ce gus ?! Impossible de tirer sur les goules au pied du monstre, il esquive, cours, saute autour d’elles tout en tentant de trancher les tentacules du bestiau. J’crois qu’il va réussir, ça dure, quoi ? Trente secondes ? Pis il s’fait cracher la misère par l’amas puant qui lui apprend qu’ici, c’pas une question d’Vénéra, d’Kaïn ou d’qui qu’ce soit. C’est une question d’baston, d’sang, d’sueurs, d’terre et d’poussière. Que Dalle d’autre, rien. Les dieux, y chang’ront rien. Il a une sacrée paire de couilles, faut bien l’avouer, hein. Ça, j’dis pas. Juste qu’il va crever, comme les autres.
Le Prêtre de Vénéra : Kenath est sacrément blessé. Il exulte pourtant, dans son sacrifice tout entier et si rapide, aux pieds du monstre, il hurle sa foi comme jamais personne, moi compris, ne saurait le faire. Il est le disciple de Vénéra, il est la Lumière.
« Louée soit la Déesse de la Lumière ! »
Mon cœur se serre tandis que mon ami se jette sous le monstre et entreprend de le taillader par en dessous. Son visage est tout à la concentration du combat lorsqu’il croise soudain mon regard. Le temps se suspend et il hurle mon nom.
« MALENOR !!! »
J’arrive, mon Frère. J’arrive.
Le Kaïnite : La diversion de cet énergumène n’a pas été de trop. Car, tandis que je lève une énième fois mes mains jointes…
Mon cri est puissant, guttural, il vient de mes tripes, ça grogne là-dedans, ça sort en borborygme et ça explose comme une étincelle entre mes mains.
Mon arme s’enfonce dans les chairs en putréfaction de l’armure humaine de Kazim Baladhour. Les tentacules me frappent, s’agitent. Ça flippe, là-dedans, j’en suis convaincu. La victoire est à nous.
La Mage du Désert : Le templier et le kaïnite sont gravement blessés. Le gladiateur aussi. Faut se bouger ! L’information circule parmi les troupes, se répand comme une traînée de poudre. Plus qu’un seul objectif : soigner le disciple de Kaïn et le templier. S’ils tombent, nous tombons tous.
L'Illusionniste : Reprenant peu à peu mes esprits, j’avise la cachette de Valentök… Trop loin. Je cours alors vers une des dernières colonnes encore debout afin de m’y réfugier, ma robe qui traîne au sol soulève la poussière sur son passage quand… tout explose. À sa colère, la création de Baladhour, ou ce qui semble être Baladhour lui-même, explose la colonne et la pierre se répand dans tous les sens, tombant sur les malheureux alentours.
Je roule et m’écrase au sol malgré moi, malgré mon esprit qui voudrait tenir et repartir. Mon corps, bien trop vieux, ne tient plus. Je suis étalé au beau milieu du champ de bataille. Au-dessus de moi, les lames, les flèches et les morsures se répandent dans un chaos que je ne comprends plus. Je suis fatigué… Je n’en peux plus.
Malgré les signaux que m’envoie mon corps brisé, je me redresse tant bien que mal. J’ai mal, qu’est-ce que c’est ? Tournant enfin le regard vers la source de ma douleur, je réalise qu’une écharde de pierre de sept bons pouces de diamètre me transperce l'abdomen. Ainsi vais-je mourir…
Mais pas en vain. C’est hors de question. J’hoquète du sang qui vient s’enrouler dans ma barbe et tombe à genoux, envoyant voltiger un nuage de poussière.
Je me mets alors à fixer l’immondice de mes yeux gris. Si elle souhaite mettre un terme à ma vie, je ne me gênerais pas pour faire de même. Avec une douleur jamais ressentie dans mon existence, je me redresse une dernière fois.
« IL SUFFIT ! QUE LE CHÊNE ET TE DANANN ME SOIENT TÉMOINS, MA VIE SERA LA DERNIÈRE QUE TU PRENDRAS, MAGE NOIR ! »
La Mage du Désert : Je me tourne vers l’individu qui hurle soudain plus fort que les autres. Bon sang. Transpercé, en sang, j’ai l’impression de voir un zombie se relever parmi nos lignes. Danarian est à bout.
Appuyé sur son bâton, je le vois saisir la gemme noire qui l’orne et la décrocher. Qu’est-ce qu’il fait ?! Il la balance soudain en direction de son confrère.
« Mon ami, je vous rends la pierre que vous m'aviez léguée quand nos routes ont bifurqué, il y a de cela bien longtemps. À mon tour, je vous en fais don alors que nos chemins se séparent à nouveau. »
L'Illusionniste : Je me sens partir. Ressaisis-toi, Libresprit ! Mon regard se pose sur Valëntok. Mon pauvre ami. Nous étions partis trois et te voilà bien seul, désormais.
« Hurgh... Souvenez-vous d'un vieux complice un peu rêveur quand vous marcherez dans notre Forêt bien aimée. Je serais peut-être là, à vous attendre dans le murmure du vent, prêt à écouter vos futures péripéties, ou bien le récit des sottises de l'immortel Kronberg. Adieu, Valëntok, amusez-vous bien sur la voie de l'Illusion. Continuez à découvrir ce vaste monde, voyager, et éclairez-le de votre lumière. »
La Pirate : Il fait quoi, le grand-père ? On a pas d’autres crevés à fouetter ?! Ça va, quelqu’soins et pis ça va l’faire. Pas vrai ?
L'Illusionniste : J’ai les organes en charpie, je souffre. La fin, il faut qu’elle vienne, maintenant. J’use de toutes mes dernières forces vitales et m’abandonne entièrement à la Magie, je me consume pour faire briller plus fort les arcanes. Accroché à mon bâton noueux, pilier qui m’a si longtemps maintenu dans ce monde, je lève une main ridée vers la bête qui dévaste la ville du Nord depuis bien trop longtemps. Ma main prend un teint violet éclatant, ma grande canne se met à grésiller et prend la même couleur : la Magie de la Pensée, la Voie que j’ai décidé de suivre il y a longtemps s'apprête à frapper. Une dernière fois.
Le Kaïnite : Un flash puissant traverse le champ de bataille jusqu’à la saloperie. J’y comprends plus rien. Tous les yeux de la bestiole s’allument d’une lueur violacée, c’est encore les illus qui jouent avec leur magie de mes deux, ou quoi ?
Je me tourne vers la source du bazar et aperçois le vieux schnock dans le même état que moi : basculant vers le Valhalla.
La main du croulant prend la couleur brune de la terre et se dirige vers le sol.
L'Illusionniste : Ainsi ai-je vécu, ainsi vais-je périr. À travers la magie, innée, qui anima mon existence et en posera le point final. Je donne ma vie pour mes arcanes, je sens mes dernières forces se consumer. La terre, le sable et la pierre, tout fusionne et se mélange en une boue informe aux pieds de la créature qui nous fait face.
Je lève ma main en direction de notre ennemi nécromancien, le liquide cuivré s’envole alors et recouvre une grande partie du monstre. Je serre le poing, triomphant, exultant même, et la fange se durcit. Elle emprisonne l’ennemi dans une gangue de roche qui l’empêche de se mouvoir, le laissant à la merci de notre armée. L’armée du peuple libre, l’armée des vivants, où je n’ai plus ma place.
La Mage du Désert : Ce que j’ai vu, ce jour-là, je ne l’oublierais jamais. Car, sous mes yeux, les dalles de pierres sur lesquelles repose Danarian Libresprit se liquéfient et commencent à recouvrir la grande silhouette de l’illusionniste. Je la vois qui grimpe, cette terre informe, le long des jambes et du corps du vieillard.
« Non ! »
Trop tard. À l’instar de la créature de Baladhour, Danarian s’immobilise peu à peu. Mais pour lui, c’est la mort qui l’attend. Car son corps se transforme littéralement en pierre, là, sous nos yeux. Reste le visage dont les lèvres dessinent quelques mots que je ne perçois pas. Et, dans un dernier sourire, un dernier soupir aussi, les yeux gris de Danarian virent au violet avant de s’éteindre définitivement. Les deux mains accrochées à son bâton, comme chaque mage qui se respecte, le vieillard regarde désormais le vide pour l’éternité. D’humain, il ne reste plus rien. Danarian s’est statufié. Danarian est mort.
La Pirate : J’comprendrais jamais la magie, trop chelou. Ce type vient de s’transformer en pierre sous mes yeux. Là, comme ça. Pif, pouf, statue. J’sais pas trop à quoi ça a servit, tant que le dégueulis de cadavre bouge encore, c’est qu’c’est pas fini. J’suis tellement absorbée par ce truc que je tilte pas. Une goule me taillade le dos et m’fait tomber, quelle putain !
Le Kaïnite : Voilà, il nous l’a énervé. Ouais, ouais, je dis pas, le vieux a immobilisé les pattes du… machin crevé. Mais ses tentacules, eux, sont toujours bien là. Le templier vient de se faire choper et, sans pouvoir rien faire, je le vois se faire secouer dans tous les sens, le tentacule qui l’a chopé lui explose le corps à même le sol, trois, quatre fois. Le mec, c’est plus qu’un tas d’os. Il aura au moins eu le mérite de rassembler plus de courage que l’armée entière, si on peut appeler ça une armée, qui se tient derrière mon cul. Y a pas à dire, ce truc va
La Pirate :J’couche la goule lorsque j’aperçois un tentacule choper Kefka et le smasher contre un mur. Le gars s’écroule au sol, inerte. Merde de chez merde d’mon cul, c’est juste pas bon du tout ! Le templier est à deux doigts de partir et le seul mec capable de bastonner la créature vient d’être mis K.O.
Dans ma cervelle, ça turbine, j’me tâte à hisser la grand-voile et prendre le large. Mais soudain j’aperçois une mage du désert et, c’que je vois, j’avoue qu’ça m’motive pas mal.
Elle a l’air bien gonflée, la balamounienne, elle est en chaleur y a pas à chier.
Le Prêtre de Vénéra :Tandis que les choses basculent peu à peu en notre défaveur, je vois avec horreur mon Frère se faire fracasser contre le sol. Je vais pour me jeter à ses côtés, quitte à mourir autant le faire avec lui, mais une silhouette crépitant me frôle. Face à la chaleur qui émane d’elle, je recule et aperçois Ablaze qui s’avance en direction du monstre. Ses poings, serrés, débordent d’arcanes jusqu’à s’auréoler de pierre pour l’une, de feu pour l’autre. La Mage Rouge s’embrase et, dans cri de colère, fond sur l’abomination.
Je la vois saisir à pleine main un morceau de la créature et la fondre, sous mes yeux, consumant graisse et calcinant os sans plus de difficulté. Elle est déchaînée.
La Mage du Désert :Je hurle intérieurement, je vais exploser, j’ai envie de tout détruire, raser, fini, niet. Quand un cafard refuse de disparaître, aux grands maux les grands remèdes. Tout à ma folie vengeresse, je n’aperçois qu’au dernier moment le gladiateur se ruer à mes côtés et taillader le monstre autant que faire se peut. Moi, j’exulte.
La Pirate :J’ai b’soin d’un tremplin, un truc en hauteur, une vigie, merde ! Ok, le vieux. J’tapote sa tête, faut dire merci, et j’escalade la statue pour me jucher sur ses épaules. Un pied sur son crâne, un pied dans l’dos, et m’voilà stable pour tirer des salves en bonne et due forme !
« Fais risette, salope ! »
J’envoie un carreau dans la gueule d’une goule encore debout. Elle tombe par terre et j’la plante au sol, plus l’temps de se relever qu’elle crève. Ça d’moins ! J’ai l’impression d’être gigantesque, à surplomber l’armée comme ça ! Autour, les autres archers sont pas en reste. Ils continuent d’cribler l’abomination de flèches, Dil’inthar et Zelph font mouche – et pire ! – font du dégât ! Le bestiau hurle et tremble, ma foi on va p’t’être bien s’en sortir et s’bourrer la gueule ce soir. Et pis soudain. PAF !
Le Prêtre de Vénéra :Les assauts des archers eurent raison du monstre. La créature semble fondre, s’ouvrir, les corps retombent en pagaille et ne subsiste plus que Baladhour, le fameux nécromancien, celui que l’on a poursuivi dans toute la cité et qui, finalement, est venu nous trouver.
Il rit, il menace Pharaon de revenir d’entre les morts, je n’écoute plus vraiment. Je me rue vers Kenath et le serre dans mes bras. Il est en vie, les yeux grands ouverts.
« Mon Frère !!!! Je ne t'attendais plus !! T’étais à un poil de cul de retourner voir Odin !! Mais loué soit Vénéra, t'es encore là !! »
Je le relâche pour lui donner de l’air et me tourne vers l’armée. De la poussière et du sang, animés par des corps, voilà ce que nous sommes. Et Pharaon qui s’avance vers son ennemi. Je ne comprends pas tellement ce qu’il se passe, mais je vois une marque, une sorte de triangle enfermant un grand œil, se graver sur le front de Baladhour. J’en frissonne. Maudit, il est maudit.
Alors, Kenath se relève péniblement et lève haut son glaive.
« LUMIÈRE ! VICTOIRE ! GLOIRE À VENERA ! »
La Pirate : Et voilà. Décapito, l’nécro ! Vive la chouette et mort aux cons. Un vide s’empare de l’assemblée, un silence… Bizarre. Faut dire qu’on a fait que s’battre ces derniers temps, donc on sait plus tellement quoi faire. Y a soudain plus que les respirations des vivants, claqués, qui s’regardent en biais sans savoir s’ils doivent chialer ou baiser pour fêter ça. Moi, j’ai d’jà choisi mon camp.
J’lève le pif et inspire. L’soleil inonde le coin, sans créature gigantesque pour lui boucher la vue. Fait chaud, ici. L’est temps de retourner à la maison.


Les gardes me laissent passer et je pénètre l’enceinte de la Cité Sacrée, parchemins sous le bras. Les constructions sont loin d’être finies et la porte est toujours détruite. Mais la vie a repris ses droits et Balamoun, désormais, est de nouveau habitée et peuplée des siens et des étrangers, venus de toute part pour aider à reconstruire.
Je traverse la cour en marchant, l’esprit ailleurs, lorsque j’aperçois la statue de Danarian Libresprit. Je m’arrête un instant et la contemple. Remontent, soudain, les souvenirs de cette fastidieuse journée. Les cris, le sang, la mort et la destruction m’ont laissé, malgré la victoire, un souvenir amer. Un goût de cendre qui tapisse ma bouche. J’inspire, j’expire. L’illusionniste ne se sera pas sacrifié en vain.
Après la victoire, chacun est retourné à sa vie et ses prérogatives. Les marins sont retournés naviguer vers des eaux certainement plus fougueuses, les sudistes sont allés rejoindre leur foyer, les forestiers ont repris la route des montagnes pour rejoindre leur territoire sauvage. Au final, de grandes amitiés, je crois, se sont composées en ce jour funeste. Mais l’important n’était pas de sauver la cité. Non, l’important était de…
« Tu viens, Ablaze ? »
La petiote m’observe, fronçant les sourcils. Elle me rappelle moi, fut un temps. Mais, voilà. Pour ça, ça en valait le coup. Pour elle, pour eux. Pour tous les orphelins qui peuplent désormais la cité, toutes les familles brisées et les habitants harassés qui, enfin, ont retrouvé leur quiétude, leur vie. La vie, tout court.
Je m’avance vers elle et lui donne la main, réunissant mon fatras sous mon autre bras et dans ma main gauche. On s’avance tranquillement parmi les voyageurs et les locaux qui souhaitent visiter la Pyramide. Parmi les vivants.