La mort du premier

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Cris engloutis...

La mort du premier

Message par Cris engloutis... »

Moi, esprit décharné, corps invisible, souffle du mort que l'on confond avec le vent, me sentis attiré, aspiré même, par la noirceur de la grotte.
Moi.
Mais d'autres âmes aussi, échappées de leur cadavre respectif, autant d'esprits bloqués sur terre,
restés paralysés par la violence de la mort, et qui n'avait pas même eut le temps de crier leur vie une dernière fois,
et dont la tête avait été plongé dans la boue puis tranchée par des lames. Rouillées.
Je sentis l'odeur de pourriture, à laquelle se mêlait une autre. Peau tannée et. Sang sec, chargé en sel.
Nous nous agglutinions à l'entrée de la grotte, et fûmes vite plongés dans la noirceur la plus totale.
Rien. Du vide. Le néant, l'ordre le plus complet dans la vacuité la plus totale.
Moi qui croyais que mort je ne sentirais plus rien... J'étais... glacé par la peur, et mon corps spectral, lui, était tiraillé :
je voulais fuir, mais quelque chose, je ne sais quoi, l'attirait vers ce trou noir.
Dans un silence de mort, nous entendîmes des murmures.
La scène avait des airs oniriques : aveugles, muets, invisibles et effrayés, entourés par des voix qui nous rappelaient nos derniers instants.
Soudain, un cri se fit entendre. Râle de panthère ou feulement de tigre. Rugissement de bête qui déchira la noirceur comme un éclair de son.
Nous pouvions enfin voir : un monstre, une bête, énorme, aux crocs semblables à des pointes de lance, aux babines saignant sous la pression de ses canines.
Colosse velu, blessé à l'épaule, qui fixait d'un œil calculateur un enfant semble-t-il, famélique, au sourire vicieux...
Voyant le sang qui coulait sur le menton de l'anorexique d'albâtre, je compris qu'il avait déchiré de ses ongles et de ses dents la chair de son ennemi.
Tandis qu'il se délectait de sa prise, celui qu'on nomme "seigneur" fut projeté en l'air.
Sa tête se cogna au plafond de la grotte, et la patte du monstre la traina sur les parois en faisant racler son dos sur les roches raides, puis le jeta sur le sol.
Neige fondue sous une pluie brune.
Le prédateur et la Bête eurent quelques mots, ou plutôt quelques cris.
Sans que l'on pu comprendre comment, la main du seigneur de l'Arbre arracha une partie de la crinière de l'autre.
Il sortit une arme, la planta à maintes reprises dans le corps de celui qui lui déchirait la peau de ses griffes, et fini par le lâcher, épuisé.
Les deux animaux assoiffés sentaient que la fin arrivait...
Ils ne se souciaient pas de leur état misérable... et, comme s'il avait eu le consentement de l'autre, l'humain fit un bond et saisit la Bête par la gorge.
L'étreinte de ses crocs fut telle que la tête de l'animal se détacha du reste de son corps.
Le bâton blanc se fit mou, presque liquide, et enlaça la tête. Reptation.
Il ouvrit sa bouche comme si elle n'avait pas de limite, et goba le monstre qui hurlait de peur. Les cris furent couverts par un horrible grincement.
Métal frotté contre roche, canines contre os, craquement effroyable.
La nuit, envahit de nouveau la grotte, la Bête avait été dévorée par un prédateur plus grand encore...
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