Souvenir et récit du Gardien de l'Arbre en terres brumoises

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Sliver
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Souvenir et récit du Gardien de l'Arbre en terres brumoises

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RETOUR SUR UNE ÉVÉNEMENT PAS SI LOINTAIN


L’APPROCHE DISCRÈTE
Tout commença un jour tumultueux et historique. Le soleil disparaissait peu à peu à l’horizon réussissant seulement à faire traverser quelques-uns de ses derniers rayons écarlates à travers les épais feuillages des arbres abondants qui longeaient et surplombaient la route. Une route, faite de pierres et de terre et empruntée au moins une fois par chacun des êtres de ce continent et qui fut plus d’une fois marquée par le sang et les guerres… Celle-ci vit passer les plus sombres assassins, les plus valeureux chevaliers et même les plus redoutés des soldats du Mont Fournaise, quelques hommes seuls et des armées entières… La route d’Orlhan est connue de tous car elle forme un axe Nord-Sud structurant, reliant l’Arbre de Corianthes au Château de Brume Vent en longeant par l’ouest l’épaisse masse aux mille et une teintes de vert que forme la Forêt de Te Danann.

En cette fin de journée, alors que la nuit s’emparait du jour, un être s’y engouffra seul avec la plus grande discrétion. Sans le moindre bruit, il la descendit pour rejoindre les brumes du sud, évitant habillement les quelques âmes qui s’y étaient perdues ou bien qui s’y pensaient suffisamment en sécurité pour y discuter paisiblement… A chaque fois il ne pouvait s’empêcher, dans l’obscurité d’un arbre ou d’un buisson, d’épier ces êtres naïfs qui ne se doutaient alors que les ténèbres les charmaient… Toutes autant d’exquises proies potentielles dont il pourrait se nourrir en ces temps où la magie n’existait plus réellement… Mais le temps lui était compté et le voilà victime de sa propension à ne pouvoir éprouver du plaisir que lors d’une chasse bien exécutée. Il se détourna donc de cette viande et de ce potentiel nutritif non sans difficultés et frustrations pour continuer vers ce qui était le centre du continent à ce moment-là.

LES PREMIÈRES GOUTTES DE SANG
Peu à peu, alors que les arbres se faisaient plus rares, le petit village de Brumevent se dessinait sous ses yeux, là sous l’épaisse brume, au pied du château de la famille Orlhanir. Celui-ci semblait se remettre difficilement des récents débordements du lac, à cette époque récente où les éléments se déchainaient un peu partout sur les terres odyséennes. Alors que le temps semblait lui manquer, l’homme prit un moment pour s’arrêter et observer, comme cherchant à se préparer pour ce qui allait arriver ensuite… C’est à cet instant qu’il aperçut non loin des portes du château deux âmes plus intéressantes que les précédentes et qui mirent fin prématurément à ce moment paisible et préparatoire. C’est discrètement qu’il s’approcha d’elles, les observant un court instant… L’une portait un vêtement du désert, la peau laiteuse, les cheveux noirs comme les ténèbres, une femme. Tandis que l’autre… L’autre ne portait qu’une une immense hache courbe d’une qualité certaine… En réalité, c’est tout ce qu’il retint de ce dernier… Il écouta dans l’ombre, les mots qu’ils s’échangèrent jusqu’à ce que deux flèches vinrent soudainement s’enfoncer sans la moindre difficulté dans la chaire déjà meurtrie de l’homme. La puissance fut telle que les deux projectiles traversèrent intégralement l’estomac de celui-ci pour terminer leur périple dans le tronc d’un chêne centenaire. L’homme resta sur ses jambes quelques secondes avant que l’ensemble de son corps ne comprenne ce qu’il venait de se produire et manque finalement de force pour retenir son propre poids. Ses jambes cédèrent les premières le mettant alors à genoux au pied de la femme puis le reste de son corps suivit et celui-ci s’étala de tout son long, face contre terre, nourrissant le sol asséché d’une belle flaque rougeâtre.

A cet instant, l’homme sortit de sa cachette, se révélant à la femme sans sembler s’en soucier. Celle-ci put alors découvrir un homme à moitié nu, le corps couvert d’une myriade de cicatrices les unes plus différentes que les autres. Certaines semblant avoir été dessinées par le tranchant d’une lame ou bien d’une hache, tandis que d’autres, beaucoup plus petites, paressèrent être l’œuvre de flèches ou de carreaux… Par-dessus l’œuvre d’une vie de chasses, de combats de guerres, couvrant les traits et les points (que forment les cicatrices), du sang, beaucoup de sang… En quantité si abondante que l’odeur en devenait capiteuse. Le liquide vital formait le liant qui unissait le haut et le bas du corps ; de ses lèvres jusqu’au bas de son pantalon de lin qui autrefois était possiblement aussi blanc que la peau de la femme qui se tenait là, les yeux écarquillés. L’homme la regarda et peut-être la salua semblant presque désolé d’avoir coloré de quelques gouttes rougeâtres son vêtement au couleur du désert. Il se pencha alors sur sa victime, et non sa proie, car là n’était pas réellement sa destinée, et se saisit sans gêne de quelques-uns de ses biens dont notamment l’immense hache qu’il avait précédemment remarquée. La bédouine lui cracha alors quelques mots qu’il ne sembla réellement écouter, se dirigeant avec innocence aux portes du château… Il s’arrêta cependant, une seconde, faisant signe à celle-ci de le suivre, et aussi étrange que cela puisse paraitre, elle le fit, par crainte ou peut-être simplement par curiosité, laissant tout de même quelques bons mètres entre eux.

L’ARRIVÉE AUX PORTES
Tous deux arrivèrent alors, chacun à leur rythme, devant les immenses portes du château. Lieu de passage entre ceux désirant entrer pour rejoindre l’immense foule qui s’y était agglutinée et ceux qui venaient tout juste d’en sortir. Car quelques heures plus tôt, les plus puissants guerriers et surtout mages de ce continent, amis et ennemis, s’y sont rassemblés pour combattre le Néant, source des récents maux du continent. Quatre êtres se trouvaient donc déjà là, dont un garde du castel à l’accent très local et un soldat du Fort, certainement archer, en témoigne le puissant arc que celui-ci arborait non sans fierté. C’est d’ailleurs cette arme qui extirpa les premiers mots de celui qui avait parcouru la route d’Orlhan depuis les terres sauvages du nord.

« Un archer du Fort avec une arme sombre… »

Au-delà de la qualité et de la puissance que dégageait l’arc, celui-ci avait pour particularité de ne pas être inconnu de l’homme du nord… Il l’avait autrefois eu en sa possession, récupéré sur l’une de ses victimes dont l’âme était alors toute aussi sombre que la sienne. De celle-ci, il en avait pris le plus grand soin, ne l’utilisant que pour ses moments de chasses, profitant de son équilibre parfait pour ne jamais manquer sa proie. Mais au vu de l’état de l’arme aujourd’hui, tous n’avaient pas été aussi minutieux et précautionneux qu’il l’avait été si bien que son bois ou sa corde pouvait à tout moment se briser. Voilà donc que deux des plus puissants arcs du continent se trouvèrent là, réunis en un même lieu, dans les mains de deux êtres que tout opposait. Ils se regardèrent, s’analysèrent, mais rien ne se produisit. L’homme du nord demanda à entrer semblant prétendre être attendu mais le garde ne semblait être du même avis. Alors que quelques mots s’échangèrent à voix basse et qu’un homme sortit du château pour rejoindre un point précis du village, le garde cracha ses mots sur le nouvel arrivant qui finalement ne s’avérait être pas si inconnu que cela.

« T'es bien qu'un chien d'Prédateur pour oser v'nir t'planter là après 'voir agresser l'aut' à l'entrée ! Tu crois qu'j't'ai pô vu au loin ?! Pi si tu crois qu'tu vas rentrer 'vec ton arc en main après ça, ben tu trompes. Tu vas rester là et j'vais app'ler la garde ! C'est les ch'valiers qui décid'ront d'ton sort ! »

L’homme du nord n’était donc nul autre qu’un Dominant d’une meute de Prédateurs toute aussi redoutée que détestée. Avant même qu’il ne puisse réagir, le garde tenta de l’attraper certainement pour l’empêcher de fuir, mais en vain, le prédateur était bien plus vif que lui et se déplaçait si rapidement que les bras du gardes se refermèrent systématiquement dans le vide. Face à une telle impuissance et en accord avec ses propres paroles, le garde hurla, alertant de sa voix paysanne de la présence du prédateur et de son attaque sur l’homme à la hache. Car malheureusement si l’homme n’était pas vif, il avait une très bonne vue et avait alors observé avec attention ce qu’il s’était passé à quelques dizaines de mètres de là. Le prédateur chercha alors à se défendre, prétextant qu’il avait agi ainsi car la victime n’était nul autre que ce que l’on appelait un Répurgateur. Un combattant extrémiste qui ne tolère l’existence de toute créature ou être lui étant différent, de par sa race ou bien sa manipulation d’arcanes jugés trop sombres. Mais l’argumentaire du prédateur ne pouvait s’opposer à l’obstination du garde qui ne voulait rien d’autre que l’emmener devant celui qu’il appelait « M’ssire Tyrtess » pour être jugé. Le prédateur aurait alors pu se contenter de cela pour pénétrer dans le château, mais le garde, n’acceptait une telle chose qu’à condition que ce dernier lui remette ses armes… Ce qu’évidemment il refusa. Non seulement car il jugeait avoir agi comme il le devait mais aussi car il ne pouvait se retrouver là-dedans dans une telle position de faiblesse avec tant d’êtres qui désiraient sa mort pour des raisons passées.

DÉBUT DE LA DÉGÉNÉRATION
C’est à partir de là que tout s’envenima. Un autre garde, qu’il avait croisé et épargné sur le chemin apparut soudainement de si loin et tentant à son tour d’immobiliser sans violence le prédateur, mais à nouveau cela fut peine perdue. Le prédateur parut alors surpris que la voix du garde ait pu porter si loin mais après tout, tout n’était que silence autour d’eux. Il aurait pu fuir et oublier ce pourquoi il était venu, mais il demeura là, entre les deux gardes, cherchant paradoxalement à calmer la situation. Puis quelques mots du nouvel arrivant firent soudainement rire celui qui jusque-là ne témoignait d’aucune expression.

« La victime est encore en vie, elle confirme que c'est cet homme. »

Tous au loin purent alors se rendre compte que l’homme attaqué se tenait encore face contre terre, immobile et inconscient. Le prédateur se rendit alors compte que quoi qu’il puisse dire, il serait coupable avant même d’être jugé. A partir de ce moment-là, tout s’accéléra. Un écuyer vint alerter chacun que le Néant n’était plus mais que les tensions demeuraient au cœur du château, car désormais ne restaient plus que des êtres qui ne s’aimaient guère. Celui-ci ajouta que les prédateurs présents au sein de l’enceinte promettaient une paix fragile et invita le Caporal du fort à l’aider dans la recherche de celui qui précédemment s’était extirpé pour rejoindre le village.

Alors que l’écuyer se dirigeait vers le village, qu’une femme arrivait du nord et que le premier garde pénétrait dans le castel pour alerter de la situation à l’extérieur, un homme quasiment nu apparut lance en main et chargea, avec une certaine violence et rage, le prédateur. Bien plus entrainé et efficace que les deux gardes, celui-ci parvint à entailler une première fois la cuisse de sa cible. Mais le prédateur surprit, réagit dans la foulée parant efficacement les deux seconds coups qui suivirent tout en profitant de la déstabilisation de l’assaillant pour lui asséner deux coups dans les côtes. Se pensant alors débarrassé, il baissa sa garde et vit son flanc droit se déchirer sous la pointe du lancier. Chacun reprit sa position et le lancier qui répondait au nom d’Aleksender et que le prédateur avait combattu à maintes reprises par le passé prit alors la parole.

« Salut Sliver. Il parait que tu tues des gens ? C'est pas sympa. Je suis mandé par le chevalier Tyrtess pour t'arrêter. Tu peux te rendre maintenant, ou le combat peut continuer jusqu'à ce que je te jette à ses pieds. Qu'en dis-tu ? »

L’ancien lancier du Fort lui parut alors tout aussi arrogant que confiant et au-delà de ça, le voilà donc dans l’incapacité de fuir, ou tout du moins, plus aussi simplement qu’il ne le pouvait jusque-là. La femme aux couleurs de la Pyramide qui était restée bien discrète prit à son tour la parole tentant d’une bien drôle de manière d’apaiser la situation. Celle-ci expliqua que Sliver avait mal interprété une discussion entre elle et la victime et que celui-ci n’était finalement peut être pas celui qu’il croyait être, le tout ponctué par quelques insultes et moqueries. Elle souligna la clémence dont il avait fait preuve en n’ôtant pas la vie du Répurgateur et que tout pouvait encore se calmer. La jeune inconnue qui était arrivée précédemment profita de l’altercation pour tirer le corps de la victime jusqu’aux portes. Moment choisit par le rôdeur le plus connu et puissant de ce continent pour sortir de l’enceinte du castel et remettre à l’ordre chacun des êtres présents soulignant que la situation était grave et que tous pouvaient se joindre à lui pour chercher les Pierres d’Ashura et faire revenir la magie en ce monde. Il invita chacun à le rejoindre au solstice au Monastère et par la même occasion demanda à Alksender d’être clément envers le prédateur en ces temps difficiles et car celui-ci était aussi le bienvenu pour l’aider dans sa quête.

Le Dominant de la Meute profita de ce cours moment de répit pour tenter de calmer à son tour la situation, indiquant à chacun qu’il était justement venu ici pour se joindre au rôdeur dans sa recherche des pierres. Il ajouta que s’il s’était permis de faire couler le sang en terre brumoise c’était en raison d’une demande que lui avait fait le comté lors de son précédent passage, à savoir de les aider à retrouver un répurgateur qui s’était enfuit. Mais ses mots se perdirent dans les brumes car l’ancien lancier du Fort continua à le menacer alors qu’il venait d’abaisser les armes et que le rôdeur disparaissait au loin sur cette même route qu’il avait empruntée. L’intervention du Caporal du Fort n’aida en rien, celui-ci se plaçant alors aux côtés d’Aleksender, arc bandé. Alors que le prochain coup pouvait venir de la lance du premier ou de l’arc du second, c’est finalement du tranchant de l’immense hache d’une gladiatrice à la crinière rousse que celui vint. Celle-ci se lança avec tout autant de rage et d’ardeur que l’avait fait le lancier précédemment, hache en main. A nouveau le sang du Dominant vint nourrir le sol asséché du comté. Mais cela aurait pu être pire, car le tranchant de la redoutable hache de la rouquine ne vint que très légèrement entailler le bras que celui-ci avait mis en opposition dans un geste réflexe. Avec une extrême agilité, la femme rangea sa hache pour se saisir d’une masse toute aussi monstrueuse avec laquelle elle tenta de lui exploser le crâne. Mais tout comme cela fut le cas pour le lancier, le prédateur esquiva in extremis la charge et se servit de l’élan de celle-ci pour lui retourner son arme contre son propre visage, si bien que son nez éclata coloriant son visage d’un rouge écarlate. Consciente que son changement d’arme ne lui procurait l’avantage qu’elle escomptait, elle se saisit à nouveau de sa précédente arme pour se lancer sur sa cible, tout en essuyant d’un mouvement rapide le flot de sang qui gouttait déjà de son menton. Mais force fut de constater qu’en reprenant la lourde hache de Kaïn, celle-ci manqua encore le prédateur qui en profita pour venir planter son genou dans l’estomac. D’une hardiesse à toute épreuve, la rouquine cracha à terre et la hache virevolta une troisième et dernière fois venant trancher une nouvelle fois le corps du dominant. Le prédateur qui était apparu aux yeux de tous, couvert d’un sang plus ou moins sec qui ne lui appartenait pas, se voyait cette fois-ci donner de sa personne.

EFFUSION DE SANG
Se tenait donc face à Sliver, Aleksender, ancien lancier et haut gradé du Fort. Montegraal, Caporal et archer du Fort. Ariès, Gladiatrice et vainqueur d’une ou plusieurs épreuves du dernier tournoi ayant rassemblé les plus puissants duellistes du continent. Malgré les qualités de chacun, et sans compter la présence du garde dans son dos, le prédateur tenait toujours sur ses deux jambes, impassible et froid. Certes meurtris, mais pas plus que ceux qui se tenaient là devant lui et qui, se pensant supérieurs et confiants, s’étaient avec haine jetés sur lui. En dépit de ces multiples assauts, le Dominant de la Meute ne bandit pas son arc, s’amusant même du paradoxe de la situation.

« C'est amusant de voir que ceux qui habituellement qualifient les miens de sauvages et d’irréfléchis ne se montrent en réalité pas sous un meilleur visage. »

Dit-il de sa voix froide, presque métallique. Et à nouveau il ajouta à ces quelques paroles qu’il ne souhaitait que pouvoir rejoindre Ascorium dans sa quête visant au retour de la magie. Le garde, précédemment disparut, revint de la place du château portant la bonne parole de son maître qui autorisait aux prédateurs présents sur la place de partir mais que ce droit ne lui était pas attribué pour son acte récent. Quelques paroles sans intérêts sortirent de quelques bouches jusqu’à l’arrivée d’un nain semblant tout aussi destiné à s’opposer au dominant… Le déséquilibre se faisait donc de plus en plus fort, voilà qu’aux trois précédents puissants guerriers et aux gardes, s’ajoutait, ni plus ni moins que le maître des Arènes de la Baie. Face à une telle opposition, et malgré sa propension à savoir se défendre, il est certain que Sliver ne pourrait tenir éternellement. Devait-il se rendre, fuir, ou bien se lancer dans un combat qu’il ne pourrait gagner ? Le sort en décida autrement et lui offrit une autre possibilité. Dans le dos des quatre guerriers qui se tenaient en ligne face au Dominant, apparut l’un de ses frères qui de sa longue lame vint taillader le corps du lancier avant de se poster à ses côtés. Le sang gicla avec abondance sur ceux qui se trouvaient les plus proche. Par cet acte, Elrendel venait de légèrement faire pencher la balance vers l’équilibre, mais serait-il suffisant ?

Alors qu’Aleksender tenait tout juste sur ses jambes, se vidant de toute part de son sang, Sliver décida enfin de réagir, après avoir tout tenté pour calmer la situation. Il se saisit de son arc et avec lenteur le pointa sur le torse du lancier. Un petit sourire sardonique vint alors déchirer son visage jusque-là si inexpressif, se rappelant certainement lorsque son arrogante cible témoignait toute sa supériorité supposée. La flèche quitta alors la corde et vint se planter exactement là où il l’avait décidé, dans un calme des plus pesants qui ne fut brisé que par le bruit sourd du corps d’Aleksender qui s’écrasait contre le sol. Il profita de cet effet de surprise pour décocher trois nouvelles flèches. La première vint arracher un bout de chair de la rouquine tandis que la seconde traversa intégralement sa cuisse et que sa troisième ricocha contre la roche de l’enceinte. Le prédateur n’avait pas manqué sa cible, seuls les réflexes incroyables de la gladiatrice étaient responsables de ce tir manqué.

« Bon sang, une si piètre défense face à deux loups aux si petites canines! Pourquoi ne dégainez-vous pas devant vos propres portes pour les défendre? Qu'attendez-vous donc bande de cul-terreux? » - cracha la gladiatrice.

Ces quelques paroles témoignèrent du doute qui commençait à naître dans l’esprit des guerriers du Sud. Des mots auxquels s’en ajoutèrent d’autres soulignant les vices des prédateurs et prédisant un avenir noir pour chacun des combattants si cela devait continuer ainsi. Elle invita alors son maître à tenir bon jusqu’à ce que l’ensemble de la garde intervienne. A cet instant de calme relatif, la voix d’une voyageuse encapuchonnée vint interrompre le combat.

« Vous accusez cet homme parce qu'il est un prédateur et que vous avez une haine envers eux. Tellement grande que vous préférez perdre du temps avec des broutilles au lieu de régler le problème de la magie qui est largement plus importante, il me semble. »

Elle hésita alors à se placer par principe auprès des prédateurs mais ne le fit finalement pas, se jugeant certainement bien inutile dans un tel combat. A la suite de ces bonnes paroles, le Dominant si violemment pris pour cible, souligna que chacun pouvait encore rester en vie et que la Meute avait son rôle à jouer dans le retour de la magie, invitant par la même occasion à vérifier de la justesse de son jugement quant à la toute première victime de cette effusion de sang. A cet instant, il sortit d’un petit havresac, qu’il tenait à sa taille, ce qui ressemblait à un cœur, d’humain ou d’animal ? Difficile à savoir, mais dans la seconde qui suivit il le porta à sa bouche le dévorant à grand coup de crocs faisant gicler par-ci par-là quelques filets de sang. Entre deux coups de canines dans ce qu’il jugeait être un bon repas, il souligna de nouveau l’inutilité de la situation et que cela n’était finalement profitable qu’aux démons et à l’armée du Mont Fournaise, puis se jugeant trop faible ou par pure stratégie de survie, il se plaça derrière un ancien illusionniste qui s’était rallié à la cause des prédateurs. L’homme bouclier sentit alors que c’était à son tour de montrer ses cartes, mais il se montra bien moins habile qu’un prédateur avec une arbalète et réussit à se blesser. Enervé de son double échec, il changea de cible, passant de la rouquine au lancier inconscient et lui entailla alors un peu plus la chair, ce dernier flirtant dangereusement avec la mort. La rouquine se moqua alors du geste du dominant et invectiva avec ardeur l’ancien illusionniste lui promettant de futures rencontres bien douloureuses.

UN SEMBLANT DE CALME
Face à ce revirement de situation, le garde ne put faire autrement que de pénétrer à nouveau dans le château demander du soutien, prenant cette fois-ci le soin de fermer derrière lui les portes. Ce dernier geste, presque anodin, témoignait cependant d’une certaine crainte de voir ce morceau de Meute l’emporter et tenter de s’emparer du Castel. Aussi rapidement qu’il s’y était engouffré le garde en ressortit délivrant le message de son maître Tyrtess.

« Halte ! M'ssire Tyrtess i'vous laisse une chance d'partir main'nant en vie, vous tous et vot' bouclier humain, ainsi qu'l'aut' qui s'appelle "Ezekil" encore d'dans. L'aut' d'dans s'ra mis au fer, parce qu'il a
agressé l'chevalier. »

Ainsi chacun était libre de se retirer, sauf un prédateur qui s’en était pris à un chevalier pour on ne sait quelle obscure raison… Tout n’était que tension et le Dominant invita son frère à ne pas faire couler plus de sang, sous peine d’être perforé par les archers du castel. Un prêtre de Phargonis bien curieux en sortit suivit d’un moinillon appelant à la paix et s’excusant auprès d’Elrendel de n’avoir pu réagir à temps lorsque celui-ci lui avait demandé. Puis bien d’autres sortirent à leur tour, prêtres, moines, mages, guerriers. Tous, de par leur diversité, témoignèrent de l’exceptionnalité de ce qu’il s’était tramé au sein du château couvert de brumes. Ezeukyl sortit enfin, alors que les gardes se placèrent en haut des murs d’enceinte arc en main visant en direction de Sliver et Elrendel. Tous pouvaient désormais partir si seulement la Meute n’était pas si attachée à son unité. Malgré la menace, ils demeurèrent ensembles, attendant celui qui était retenu, soit à son tour libéré, car pour eux il ne pouvait avoir attaqué le chevalier Tyrtess sans bonne raison. Mais le moinillon prit la parole, annonçant à la surprise de tous que c’était pourtant bel et bien le cas, et si violemment que celui-ci l’assomma. Elrendel demanda tout de même sa libération, jugeant les maux de chaque camp équilibrés. La situation était certes sous tension mais un certain calme était revenu jusqu’à ce que quelque chose d’encore plus improbable et inattendu se produise.

L’ACTE DE TROP
« FOALY NOOOON ! » - Hurla Sliver de sa voix rauque.

Trop tard. Un centaure connu pour faire partie lui aussi de la Meute, sortit du castel au galop et arbalète en main tirant quatre carreaux en direction de la rouquine qui en dépit de son état réussit tout de même à en éviter deux. Le dominant porta une main à son front face à ce nouvel assaut irréfléchi de l’un des siens et avant même qu’il ne puisse reporter son attention sur le champ, Foaly fut projeté à quelques mètres par la puissante masse du maître des Arènes, le laissant au bord de l’évanouissement. Les gardes en haut des Murailles bandèrent leurs arcs prêts à décocher une vague de flèches et perforer la Meute qui se complétait peu à peu, mais in extremis l’un d’entre eux intervint. Celui-ci annonça la sortie du prédateur dans les bras d’un moine aux proportions inégalables connu sous le nom de Moloch. Chaque pas du géant résonnait avec puissance comme tout autant de corps chutant lourdement sur le sol. C’est le moment que choisit celui par qui tout avait commencé pour reprendre ses esprits et s’adresser à chacun et tous furent étonnés de ses mots… Enfin presque tous.

« Je ne sais pas qui t'a dit que j'étais Répurgateur, mais il a eu presque raison. Presque. Même si Shain est le dieu dont la voie est la mienne, je ne suis pas encore un de ses guerriers. Mais sache que je ne t'en veux pas. »

UNE FIN INESPÉRÉE
Ainsi le dominant avait eu raison. Ainsi la voyageuse encapuchonnée et que personne ne connaissait avait elle aussi eu raison… Le prédateur n’avait pas été condamné pour son acte, mais simplement de par sa nature, sa race, son espèce. Les plus respectés des guerriers, ceux-là même qui chaque jour prônaient une justice équitable avait été aveuglés par leur haine envers ce groupe que l’on appelait « Meute », prétextant la moindre chose pour faire couler leur sang et tenter d’ôter leur âme et appliquant leur justice à coup de masse et de lame… Mais après tout, nombreuses furent les guerres et batailles passées. Nombreux furent les meurtres commis par chaque camp. Nombreuses furent les larmes et les giclées de sang qui vinrent nourrir un sol trop sec. Tous ne retinrent finalement de cet affrontement que l’union de tous les peuples ne dura qu’un temps et que les velléités vindicatives passées allaient reprendre là où elles s’étaient arrêtées.

Le Dominant sourit alors à ceux qui furent à ce moment-là ses adversaires, fiers de sa résistance et de la justesse de son jugement, puis repartit avec difficulté à l’ombre de l’immense Arbre qui trônait à l’horizon et dont il se disait le gardien.
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