Sur les berges de la Baie...

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Une naufragée

Sur les berges de la Baie...

Message par Une naufragée »

Elle entrouvrit les yeux, la clareté du soleil agressant ses pupilles ensommeillées presqu'autant que la dureté rapeuse du sol sur son dos. Elle se crispa légèrement, réveillant sans le vouloir des douleurs dans tous ses muscles perclus : par les dieux, que faisait-elle là?
Battant des paupières pour retrouver ses sens, elle tâcha de remettre un peu d'ordre dans ses idées, essayant de détendre doucement les courbatures de ses membres et de son dos en restant immobile. Au bout de quelques instants, le bruit du ressac lui parvint, léger et pas si lointain que ça : de l'eau. Il lui fallu quelques secondes supplémentaires pour percevoir l'air salé : la mer.
Un soupire soulagé lui échappa et lui arracha un petit gémissement de douleur alors que ses côtes protestaient vivement du traitement subit.
La caresse du vent et du soleil sur son corps humide la détendait et l'effrayait à la fois, la persuadant agréablement qu'elle était en vie et que ses sensations étaient bien réelles.
Quelque chose clochait.
Elle inspira longuement, habituant ses poumons à cet exercice complexe, expulsant par instants quelques reste d'eau dans ses poumons, puis elle eu un moment d'arrêt. De l'air, poumons, soleil. Elle eut un hoquet désespéré et se redressa d'un bloc sur son séant, et pu enfin contempler ce qui l'entourait.
Le choc lui coupa le souffle pendant un moment, puis elle se mit à haleter douloureusement, en contemplant l'étendue marine qui lui faisait face, surplombée par un beau soleil resplendissant qui faisait luire sa surface. Certes, l'eau était là... Mais elle-même n'était plus dedans!
La panique lui arracha un nouveau gémissement tandis que la mémoire lui revenait : bannie des eaux!
Des larmes salées arpentaient ses joues alors que les souvenirs venaient la frapper comme autant de coups de poignards : ainsi donc, sa mère n'avait pas menti. Bannie des eaux, bannie des siens, il ne lui restait plus qu'à trouver sa place parmi le peuple de son père; ainsi en avait décidé les elfes aquatiques, peuple de sa mère.
Son crime? Elle était dépourvue de doigts palmés et nageait comme une "marcheuse" pour compenser son handicape. Mais le pire n'était pas là : créature hybride, elle n'était pas capable d'émettre les ultra-sons qui étaient l'essence même des siens. Jamais elle n'appartiendrait complètement à cette race, et jamais elle ne serait digne de devenir l'épouse d'un des leurs et d'enfanter, pas si elle devait transmettre cette tare. Les larmes abondantes dévalaient ses joues alors qu'elle se rappelait le regard déchiré de sa mère, empli d'amour et de révolte, mais également de peur.
"Tu es majeure, et nubile, ils ne peuvent plus te laisser parmi nous de crainte que tu ... que tu ne "salisses" la race, ce sont leurs mots. Oh, ma petite, mon enfant..."
Les traits torturés de sa mère reflétaient l'état dément de son propre esprit : elle aurait pu hurler, à ce moment là, mais tout ce qu'elle avait fait, c'était embrasser sa mère en murmurant les habituelles bénédictions avant de se rendre vers le lieu de jugement. Une pensée étrange avait traversé son esprit alors : elle s'était sentie reconnaissante, immensément reconnaissante envers cette mère qui l'avait aimée malgré les violentes circonstances de sa conception; une mère qui l'avait aimée malgré ses diformités et qui avait tenté d'en faire une personne normale.
Sa mère, qu'elle ne reverrait plus.
Les sanglots lui brûlaient la gorge. Elle porta spontanément une main à sa poitrine, songeant que les arts magiques des elfes aquatiques ne devaient pas connaître de limite pour avoir su la priver ainsi de son talent d'amphibie.
Ces pensées, pragmatiques, nostalgiques, lui permettaient d'échapper pour un temps encore à l'inéluctable réalité qui lui faisait face : elle était seule, dans un port inconnu, dépouillée de tout sauf de ce qu'elle était...ou du moins ce qui en restait.
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