Lirdal a écrit : Le FA représente uniquement ce qui est PERCEPTIBLE par le/les destinataires, donc ce qui peut être vu, entendu, ou perçu d'une quelconque façon, par l'interlocuteur, que ce sur quoi il peut rebondir. Les pensées du PJ n'ont RIEN à faire là, même si on en voit un bon paquet qui ne l'ont toujours pas comprit...
Âmes sensibles aux pavés, s'abstenir.
Avertissement : je ne te vise pas en particulier Lirdal, je livre là des réflexions que je m'étais faites depuis longtemps. Je profite de ton intervention pour vous les exposer.
Perso, je trouve que tout cela manque un brin de nuances. Je n'ai pas de formation littéraire, donc ce qui va suivre relève de mon point de vue personnel. Quand je lis un roman, je trouve plusieurs modes d'énonciation (je me place dans un cadre informel ici, inutile de pinailler sur les définitions). En sortant mes gros sabots et ma faux, voici ce que je retiens d'intéressant pour notre discussion :
1) Il peut y avoir un mode "neutre extérieur", où le locuteur n'a pas de parti prit, où le récit est fait à la 3ème personne et où l'on ignore les pensées des personnages qui apparaissent. Je pense que c'est celui-ci que tu prônes, Lirdal.
2) Un mode "neutre pseudo-omniscient". La différence avec le "neutre extérieur", c'est qu'on peut avoir accès aux pensées d'un ou plusieurs persos.
3) Mode "première personne", où tout le récit se déroule à travers les yeux d'un personnage. Là on a évidemment accès à ses pensées, et le récit est subjectif.
4) Un mode "subjectivité subtile". En gros, on a un récit à la troisième personne, sans accès direct aux pensées d'un perso, mais un point de vue est privilégié. Le récit est en quelque sorte "teinté" par l'un des personnages (le sien, puisqu'on ne peut pas s'avancer sur les autres). On peut y ressentir en arrière plan ses émotions, ce qu'il pense. Cela passe directement par le style employé, par exemple l'utilisation de vocabulaire ou de tics verbaux typiques du perso. Le texte est dans un style plus léger, fricotant sans rougir avec la familiarité et le langage parlé, voire un ou deux jurons bien sentis.
Bien sûr, on pourrait encore nuancer et même présenter d'autres modes qui n'apparaissent pas ici... Bref, pour revenir à ceux évoqués, voici des exemples, au cas où je n'aurais pas été très clair.
1) Neutre extérieur :
Une lumière éclatante tombait sur la grande place, éclaboussant tout un chacun de sa clarté bienfaitrice. Truc_môche s'avança au milieu de la foule, un air de satisfaction détachée et modeste collé au visage. A mieux le regarder, il semblait aussi que la vanité se cachait derrière cette façade affable. Son regard balayait les alentours, avec l'acuité nonchalante de celui qui cherche quelqu'un, tandis qu'il prenait garde à ne pas salir sa cape qui frôlait dangereusement le sol boueux derrière lui.
Enfin il l'aperçut, assise au bord de la route. Le soleil nimbait son visage d'une douce chaleur, qui irradiait sur le devant de sa gorge, donnant à sa carnation la teinte si particulière des fruits les plus désirables. Elle, était perdue dans quelque rêverie étrange et détachée du temps. Ses doigts enroulaient et déroulait l'une des longues mèches brunes qui balayaient son front, en contemplant d'un oeil absent les gens qui s'agitaient là.
"Truc_mûche ?", appela-t-il du bout des lèvres. Elle leva ses yeux vers lui, rajustant un pan du châle qui dévoilait l'une de ses épaules.
2) Neutre pseudo-omniscient :
Une lumière éclatante tombait sur la grande place, éclaboussant tout un chacun de sa clarté bienfaitrice. Truc_môche s'avança au milieu de la foule, un air de satisfaction détachée et modeste collé au visage. "Aujourd'hui est mon jour, se répétait-il mentalement avec fermeté. Je ne faillirais point, dussé-je le regretter par la suite. Saint Cuistre me foudroie si je renonce !"
[...]
"Truc-mûche?", appela-t-il le coeur soudainement emballé. Elle le regarda, surprise et s'interrogeant sur le but de cette homme qui la qualifier d'un si ridicule prénom. Ses mains tirèrent à elle un pan du châle qui dévoilait l'une de ses épaules.
3) Première personne :
Une lumière éclatante tombe sur la grande place, éclaboussant tout un chacun de sa clarté bienfaitrice. Je m'avance, serein, au milieu de la foule. Elle n'est pas là. Bah, quoi de plus normal ? Je l'ai toujours vu assise derrière l'échoppe de vanneur. Aucune raison pour elle de venir si loin dans le marcher. Et pourtant, si... J'évite de justesse une mare de boue stagnante, et accorde un regard dédaigneux au manant qui a failli m'y pousser. Ce n'est pas le moment de paraître vilain. Aujourd'hui est mon jour, je ne faillirai point... dussé-je en le regretter toute ma vie, Saint Cuistre m'en soit témoin !"
Enfin je l'aperçois. Elle véritablement belle... Un joyaux comme il n'en apparait que tout les millénaire. Et elle semble faite pour moi, cette adorable enfant destinée à être ma femme ! "Truc-mûche ?" l'appelé-je soudain ému. Elle lève l'azur de ses yeux vers moi, je me sens pousser des ailes.
4) Subjectivité subtile :
[...]
Enfin il l'aperçut. assise au bord de la route. Le soleil nimbait son visage d'une douce chaleur, qui irradiait sur le devant de sa gorge, donnant à sa carnation la teinte si particulière des fruits les plus désirables. Par Saint Cuistre, était-il possible de dégager autant d'amour ? Ses doigts enroulaient et déroulait l'une des longues mèches brunes qui balayaient son front, en contemplant d'un oeil absent les gens qui s'agitaient là. Qu'elle était resplendissante, elle qui offrait effrontément la vue de son épaule au monde entier ! Et cette manière de pencher la tête... Profonde et légère à la fois, c'était comme un appel au secours. L'on se serait damné pour une seule de ses caresses. Et truc_môche ambitionnait bien plus que cela.
Perso, un récit à la 1ère personne me gêne un peu (le 3), donc). Parce que ça tranche radicalement avec ce qu'on peut lire, que c'est un monde dans lequel il faut se plonger, que 1 FA c'est un peu court pour une telle immersion (surtout quand on alterne avec du récit 3ème personne), et que ça pique vraiment les yeux quand la personne qui rédige n'assure pas...

Mais, avec quelqu'un de bon qui pond que des pavés de 10 pages à chaque fois, ça pourrait le faire. Gros défaut : il est difficile pour le public de ne vraiment pas utiliser cette intimité à laquelle on leurs donne accès... (tous des pervers)
Le 2) me gêne encore un tantinet, mais pourrait se défendre si utilisé avec parcimonie. En revanche, je trouve qu'une combinaison de 1) et 4) est très intéressante, et offre une certaine richesse. Ok, il faut éviter les travers genre "on en profite pour dire que l'autre à vraiment une sale gueule, mais c'est le style qui veut ça, désolé !". D'autant plus, que l'objectivité totale me semble impossible.
Quand on écrit, et qu'on se cantonne à ce qu'on peut voir / percevoir & Co, il y a forcément un moment où on interprète. Genre "machin était triste". On va me dire : bin ça on peut le voir, où est le problème ? Je vais répondre, que si le locuteur dit "machin est triste", c'est qu'il est réellement triste, on a un bref instant accès à son intériorité, à ce qui se passe dans sa tête (même si ce n'est pas des paroles). Dans la vraie vie, je ne sais pas forcément qu'une personne est triste. Je peux prendre ça pour de la joie, ou bien qu'on se fout de moi etc. Mais là, j'en suis sûr, on est dans le 4).
A ce stade, soit on ne me lis plus depuis une dizaine de paragraphes, soit on rétorque insolemment plusieurs choses :
1)
Et qui te dit que ce n'est pas une feinte ?
-> Heu... Chais pas, ça voudrait dire que le locuteur n'est pas neutre et cherche à piéger. Et là pour le coup je trouve ça naze, s'il n'y a pas une petite précision genre "machin paraissait triste".
2)
Eh bien voilà ! Tu n'as qu'à toujours employer des procédés dans le genre : emploi des verbes paraître, sembler, ressembler, être comme, avoir l'air, afficher une moue + adj. ...
-> Mouiii... Sauf que je dis, que ça, on ne peut pas y recourir systématiquement sans alourdir grandement la prose. C'est peut-être moi qui suis mauvais et sans vocabulaire, mais je n'en ai pas 36 000 sous la main, des tournure pour suggérer le doute. Genre "Truc mûche regardait avec ce qui semblait être un profond amour, celle qui paraissait si belle. Il soupira et dit avec ce qu'on pouvait prendre pour l'émotion la plus vive : "je vous aime". Elle sursauta, et fronça les sourcils. Etait-ce de l'indignation ? De la colère ? Du mépris ? On eût dit plutôt - mais sans certitude - que ...".
Mouais, ça va 5 lignes, après c'est lourdingue.
Ok, Odyssée est un jeu, pas un roman, blabla. Mais moi perso, l'aspect "écriture" constitue une bonne part de ma motivation. Les "c'est naze d'écrire ça", je trouve cela dommage, car parfois c'est intéressant d'un point de vue écriture, et ça ne nuit pas nécessairement au jeu. Odyssée est un grand roman qu'on écrit à 200 (je me contredis, là). Comme j'ai dit, le récit à la 1ère personne, bof (et là ça peut nuire au jeu, en plus), mais les autres points soulevés ne rentrent pas non plus dans un cadre purement : "je ne dis que ce qu'on peut voir", et je les intègre souvent dans mes FA, je trouve cela plus vivant. Après, je n'ai pas des masses de retours sur mon style de jeu non plus, peut-être que ça gave (tout le monde - 3 personnes), hein !
Dernière chose, quand tu dis de ne mettre que ce sur quoi les autres peuvent rebondir... pas d'accord ! Et les descriptions, alors ? Là encore, je vais exposer my point of view : d'un point de vue "procurer du jeu", dans le sens "faire avancer l'action, permettre les interactions etc", bin ça ne sert strictement à rien. Leur utilité, c'est d'ancrer le récit, faire naître des images, faire travailler l'imagination. Là aussi, peut-être que je gave mon monde que je raconte pendant dix ou vingt lignes la nuance d'un reflet insolite qui pourrait attirer l'oeil de l'aventurier curieux, et qui n'est pas l'une des pierres d'Ashura (précisons-le). Peut-être. Ce qui est sûr, c'est que moi je déteste les Fa de 2 lignes "
Machin s'avance. "Salut, on va chasser le lapin ?". Machin le lève et s'en va.. On ne peut pas toujours pondre des pavés agrémentés de jolies descriptions, j'en suis conscient, mais de temps à autre, moi j'aime en lire. Pour moi, c'est cela Odyssée. J'aime lire des trucs bien racontés, des images qui me parle m'évoque des choses, et où je pense "ah ouais, pas mal écrit là !". Même si ces choses là ne font pas forcément avancer le schmilblick (comme ça s'écrit c'te truc ?).
Voilà, j'en ai fini avec mon témoignage d'Odysséen à la sensibilité de pucelle, mais la vie est ainsi faite ! Pis vous n'étiez pas obligés de me lire !
Amicalement
