[HISTOIRE] - Gris sang et cendres vermeilles à Boisdoré

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Un pauvre vieux

[HISTOIRE] - Gris sang et cendres vermeilles à Boisdoré

Message par Un pauvre vieux »

*gniiih… -clac !...*
...

*gniiih… -clac !...*
...


Un rythme apaisant presque, que celui de cette vieille porte à
moitié dégondée qui gémit et se plaint avec une monotonie opiniâtre
contre le chambranle noirci ; le vent s'engouffre ; elle s'ouvre,
gémit, claque, s'ouvre, gémit, claque, s'ouvre, gémit.... - même les
cuisses des putains de la Cité Blanche de ne travaillent pas autant en
période de pointe -... claque.

Et la grande salle, d'habitude si emplie de vie, de rires et de
cris, est presque déserte. On en a nettoyé le sol, on a déplacé les
poutres à moitié calcinées, les gravats, les bris de verres et
d'existence, on a enlevé les corps aussi. Il n'y a plus que de larges
taches brunes par endroit qui ne partiront pas avant longtemps. Le
sang s'est incrusté dans le bois du plancher comme les peines se sont
incrustées dans les âmes.
La porte s'ouvre, gémit, claque.

Il y a eu une cérémonie pour honorer les morts aussi ; le menuisier
a bien travaillé, a construit les cercueils et puis on les a mis en
dessous des racines des fleurs. Merci Job. Les asticots termineront le
boulot, les hobbits n'ont pu que creuser le trou, mettre de la terre
par-dessus et verser quelques larmes en plus. Mais ça, personne ne le
dit, on essaie de ne pas penser aux asticots mais à ce que furent les
victimes, ce que tout cela peut bien signifier, à ce qu'on peut en
tirer… C'était émouvant. Ouais.
La porte s'ouvre, gémit, claque.

Une feuille morte passe par-dessus les murs et s'échoue sur le
comptoir. Le petit vieux immobile sur son haut tabouret la regarde
d'un air absent. Il est aussi triste que les meubles qui l'entourent.
Ah oui, les feuilles… Heureusement qu'il n'y a pas d'automne en ces
terres, mais quand même. D'autres suivront peut-être.
Son regard clair se porte sur la toiture béante qui laisse
apercevoir un large pan du ciel. Ca fait plus de lumière depuis qu'on
a défoncé les poutres et fait effondrer une bonne partie du toit,
c'est sûr. Mais à chaque fois ça lui fait un pincement au cœur.

Sa vieille main se tend en tremblant vers le chat empaillé qu'il a
pu sauver les dieux savent comment du désastre ; Momo a perdu un œil
dans l'histoire, et quelques poils, il s'en tire à bon compte.
D'aucuns n'ont pas eu cette chance.
La porte s'ouvre...

Une ombre se profile. Les lattes grincent et le hobbit vient
s'accouder au comptoir, à côté du tavernier. Il fixe l'enseigne du
Bouc Rieur de guingois à côté des prix des boissons et des plats, puis
louche sur la bouteille déjà bien entamée du patron.

« Bah mon vieux… faut te ressaisir, le console-t-il en se faisant
servir. On m'a raconté rapidement, je viens de renter de voyage... T'as
besoin d'en parler ? C'est un choc pour tout le monde...
-...
- Allez Dev' ! Faut pas garder ça au fond de toi quoi, je ne suis pas
né de la dernière pluie, je peux entendre et les gosses ne sont pas
là… tu me racontes ?
-... Pff... c'était horrible p'tit Tom, lâche le vieux gnome au bout d'un long moment... Horrible...
- C'est toujours horrible...
- Asrélia me redonne le sommeil, j'dors plus depuis... Ouais... T'as
vu c'qu'ils ont fait d'mon auberge ?!! »

Le dernier pochtron arrivé sur les lieux hoche la tête d'un air
compréhensif et l'encourage à poursuivre, vidant une bonne partie de
son verre. L'autre, déjà bien entamé, caresse nerveusement Momo et
cherche ses mots, prêt à livrer un terrible récit...

Au loin, la porte était repartie sur son rythme monotone.


[A suivre.]
Un pauvre vieux

Re: [HISTOIRE] - Gris sang et cendres vermeilles à Boisdoré

Message par Un pauvre vieux »

« C'était une journée triste comme les autres depuis qu'les
monstruosités sorties du néant avaient disparu, se rappela le vieux
gnome en soupirant. Y'avait encore des restes de corps sur la place,
tu sais qu'ce brave Sirven y est resté ? S'est sacrifié pour permettre
aux autres de s'enfuir d'l'auberge quand les tentacules défonçaient
tout… son courage l'a point sauvé : un coup et splatch ! l'en restait
plus d'la bouillie du pauvre Sirven ! On a entendu les os craquer d'un
bout à l'autre du village... c'était horrible... parfois j'crois
encore l'entendre ce bruit, pauvre gars... Et pourtant, il a continué
à hurler aux autres de s'enfuir, alors qu'l'avait déjà plus d'jambes
ni d'bassin, tu crois ça toi ? Un héros... »

D'une main tremblante il se resservit de son fameux breuvage, en
renversant à moitié à côté, puis porta le verre à ses lèvres usées.
P'tit Tom à côté de lui hochait mécaniquement la tête d'un air grave
empli d'une pudique compassion. Il n'oublia pas de tendre son verre
sans un mot ; le spirytus du patron coula de nouveau, libérant de
temps en temps des morceaux à moitié solides qui, après être tombés
sans discrétion, flottaient lugubrement à la surface. Aucun des deux
compères ne s'en formalisait : le Spirytus était au-delà des
apparences, bien au-delà.

« Et donc on nettoyait un peu les dégâts avec d'gentils clients...
tu sais qu'y avait déjà eu des poutres qu'avaient cédé ? J'm'en suis
pris une sur l'coin d'la caboche, regarde... » Il montra fièrement une
cicatrice rosâtre sur le haut de son crâne tavelé. « J'ai failli être
recousu à vif...
- Une blessure digne du Tueur, le moqua p'tit Tom en reniflant.
- Oh ça va hein ! Sur l'coup j'ai vu tout rouge et j'ai failli perdre
connaissance !
- Et les autres ?
- Mh, y'a bien l'vieux Daaz qui pissait l'sang, lui j'aurais bien
aim... j'veux dire, j'ai bien cru qu'il allait y passer... Mais c'pas
l'histoire, j'disais donc, on en était à faire du ménage dans la salle
principale et tout. Et là : vlam ! y'a une espèce de géant en armure
qui défonce à moitié ma porte et sort une hache monstrueuse de
derrière son dos ! C'était lui l'chef j'crois...
- Grande comment ? s'effraya p'tit Tom en reposant son verre.
- ... Oh... p'têt bien trois ou quatre hobbits... réfléchit le
tavernier en blêmissant, et des grands hobbits hein ! Et là c'fou
furieux, il commence à dire des trucs pas clairs sur son Dieu mille
fois maudit et commence à charcuter à tour de bras mes clients avec
son arme ! Et derrière lui, y'a une horde d'meurtriers qui
s'engouffre. J'voyais les silhouettes courir dans l'village, attraper
nos femmes qui hurlaient, bouffer nos enfants... commencer à piller et
à saccager... c'était horrible, j'entends encore les cris et les
pleurs, j'te dis p'tit Tom, j'voulais pas m'rappeler de ça, j'voulais pas ! »

Sa voix se brisa sous l'émotion et il vida d'un trait son spirytus,
manquant de s'étouffer mais trouvant une excuse réelle à ses larmes
naissantes. Son teint avait viré au cramoisi inquiétant – c'est que
c'était une boisson de gnome qu'il venait de s'enfiler là, les non
habitués y laissaient parfois leur peau.

« J'vais chercher d'la bière, proposa p'tit Tom en se levant,
attends moi là... »

Il se leva d'une démarche chancelante puis alla décrocher deux
chopes comme s'il était chez lui, tira de la bonne bière moussue
comme il faut des tonneaux du patron, avant de revenir et les claquer
sur le comptoir.

« Mais qu'est-ce qui s'est passé ensuite Dev' ? demanda-t-il
doucement en lui tapotant l'épaule. T'es en vie non ? »


[A suivre.]
Un pauvre vieux

J'étais là...

Message par Un pauvre vieux »

Derrière mon comptoir, immobile comme si le moindre de mes
mouvements eût pu déclencher l'enfer sur terre, je ne pouvais détacher
mon regard du géant en armure : Eltarion, prince du Chaos, être honni
parmi les honnis. Quand sa voix gutturale résonnait, une vapeur
nauséabonde s'échappait au travers des fentes du casque sinistre et
profondément enfoncé sur son crâne qui cachait sa face aux yeux du
monde. Seules les deux braises malsaines de son regard étaient
visibles. Hérissée de pointes et d'ornements écoeurants – des bouts de
chairs noircis ou encore sanguinolents aux membres entiers cloués, en
passant par des crânes suspendus ou empalés sur des pics – son armure
était à son image : monstrueuse. Monstrueuse aussi était la hache
gigantesque qu'il tenait entre ses mains et qui accrochait autant les
reflets du dehors que les regards terrifiés autour de lui. Cette hache là
devait avoir vu son lot de massacre et de désespoir et on prétendait
qu'elle avait fait autant de victimes qu'on dénombre d'arbres dans la
forêt. Il s'était avancé d'un pas lourd sur le plancher de l'auberge, les
lattes avaient gémi sous son poids. Dans son ombre un vieil homme
louche – possiblement son bras droit – s'approchait également ; celui
qu'on surnommait parfois bourreau du Fort, parfois le Prophète, et qui
traînait aussi dans son sillage les plaintes de centaines d'âmes. Il
tenait négligemment une grosse masse, silencieux mais laissant traîner
son regard sur les issues et les clients les plus fébriles, prêt à écraser
toute rébellion d'un coup sale et brutal. Une poignée d'autres
sbires s'étaient engouffrée dans leur sillage, des brutes au visage
couturé de cicatrices, au regard torve, à la musculature insolente qui
toisaient d'un air belliqueux mes pauvres clients, regardaient d'une
manière qui ne me plaisait pas du tout nos femmes et nos enfants
apeurés. Il y avait la pauvre Eugénie dans un coin, ravagée de voir
qu'après le massacre de ses légumes, c'était maintenant ici qu'allait
se jouer un drame.

Une mouche s'envola et se posa sur mon avant-bras. Je n'osais
bouger, retenant ma respiration tandis que l'impertinente fricotait
bruyamment avec mes poils.

« Apportez vos réserves de nourriture ! aboya de nouveau sèchement
le chef du chaos voyant que personne n'avait réagi la première fois,
si vous ne coopérez pas…
- Qu'est-ce qu'il se passe ici !! »

Esther Talbot, la bailli en chef chargée de la sécurité du village
venait de débouler comme une furie dans l'auberge, l'arme au clair.
Eltarion tourna lentement le regard vers la hobbite, s'approcha d'un
pas : la dominant de toute sa hauteur, l'engloutissant dans son ombre
maléfique. La pauvre hobbit ne manquait pas de courage, mais le
courage ne faisait pas grandir et il lui manquait bien cinq ou six
têtes pour être à la hauteur de son adversaire. Un silence pesant
s'était installé. Et puis… Une vague lueur de peur mêlée à une
compréhension trop tardive traversa la prunelle bleue d'Esther lorsque
la hache se leva et s'abattit mécanique sur elle à la manière du jugement
de Furrinus, manquant de peu de séparer son corps en deux morceaux
égaux.

« La voilà ton explication ! rugit le monstrueux guerrier en poussant
de la botte le presque cadavre qui s'effondra en gargouilla son sang
et ses humeurs sur le bois avide de la taverne. Par Ananke est-ce que
je me suis montré assez clair, le prochain qui bouge un sourcil sans
mon autorisation, je lui arrache les entrailles à main nue ! La bouffe
! L'alcool !
- T-tout d'suite mes seigneurs ! couinai-je en retrouvant l'usage de
la parole. J'ai mon spirytus comme alcool fort ! Vous m'en direz des
n-nouvelles. Gratuit bien sûr pour vous mes seigneurs, mais cassez
rien ! »

Ma voix était ridiculement montée dans les aigus sur la fin de ma
tirade rapide. Je sentis une goutte de sueur froide me couler dans le
dos et je m'apprêtais à aller dans mon cellier obéir aux ordres du
Prince du Chaos. C'est alors que la porte du Bouc Rieur s'ouvrit,
laissant pénétrer dans les lieux un nouveau bourreau des peuples…


[A suivre.]
Un vieux ligoté

Re: [HISTOIRE] - Gris sang et cendres vermeilles à Boisdoré

Message par Un vieux ligoté »

« Bonjour tavernier ! »


A pas lents il s'avança dans le lieu muet : Gaara, Seigneur de
l'Arbre à ses heures, à la réputation plus sombre que les profondeurs
abyssales de l'océan, au passé plus sale que le cul de la pire catins
de la Baie... dans son sillage s'entassent autant de morts et
d'estropiés qu'on dénombre de corbeaux sur un champ de bataille, et
c'est ce doux sociopathe qui venait grossir la clientèle du Bouc Rieur
! Toute la lie de la bassesse et de la violence se trouvait réunie
sous mon toit ; une furieuse envie d'uriner me prit au corps mais je
n'osais demander la permission au prince du Chaos d'aller me soulager.
L'ombre de l'albinos m'éclaboussait désormais, m'écrasait ; il me
contemplait et je demeurais incapable de prévoir le flux tranquille de
ses pensées. A quelles tortures songeait-il ? A quels cauchemars, à
quel enfer ? Car assurément un esprit malade comme le sien ne pouvait
connaître le repos.

« Je vais prendre une pinte ! »

Je clignais des yeux.
Il me regarda d'un drôle d'air.

« S'il vous plait tavernier, une pinte de bière et de quoi manger,
articula-t-il de nouveau voyant que je ne réagissais pas. Je vous paye
en espèces sonnantes et trébuchantes ! »

Je lançais un coup d'œil à Eltarion, restant toutefois prudemment à
ma place, aussi fidèle qu'une croix devant sa tombe. Quoi ?! Etait-ce
là les paroles du Loup du Nord ? De celui que j'avais vu obliger ses
victimes à manger leur propre cœur pendant que sa magie impie les
maintenait en vie le temps de l'abominable repas ? Enfin, j'imaginais
qu'il devait l'avoir déjà fait plutôt, tordu et cruel comme il
était... Bref, était-ce une ruse ?
J'étais toujours à blêmir à l'idée de dévorer mon vieux coeur, quand
soudain, les choses s'accélèrent : le vieillard à la masse
accompagnant Eltarion déclara ouverte la séance de ligotage, tandis
que le deuxième réclamait à grand cri mon fameux Spyritus, que
l'albinos fou courrait vider mes réserves d'alcool et revenait bientôt
chancelant et heurtant tout ce qu'il pouvait sous l'effet des boissons
ingurgitées pour me ligoter en personne.

Les pleurs silencieux des enfants dont on avait confié la charge à
un autre malandrin feuilletaient l'atmosphère ; lentement, une flaque
de sang grossissait sous le corps tiède d'Esther ; une mouche furieuse
et zézayante se posa sur la joue hobbite et commença à explorer cet
inerte terrain de jeu. Tout cela, je le percevais avec une rare
acuité. Il est amusant de ressentir cette capacité de l'âme à imprimer
avidement les moindres détails avec plus de zèle que jamais alors même
qu'elle se sait condamnée. Allez savoir à quoi cela sert...

Je sentis les liens de chanvre mordre mes poignets tandis que
l'ancien maître des prédateurs qui empestait désormais le meilleur
alcool du continent fredonnait une comptine d'un autre âge derrière
moi. Je fus alors persuadé d'y entendre les mots « cœur », « manger
vivant » et « mort » perdu au milieu de son souffle démoniaque.
Courageusement je demeurais la bouche close, refusant de me plaindre
qu'il risquait de briser les os à me manœuvrer ainsi, et qu'en un
autre temps je lui aurais bien montré de quel bois je me chauffais.
Des comme lui, le Tueur en avait mangés à la pelle dans sa jeunesse,
mais je n'étais plus le Tueur et surtout, il ne fallait pas que
j'expose les autres à son ire terrible.


« M'seigneurs... j-je... grâce... grâce... m'entendis-je supplier,
j'vous donnerai ma recette secrète pour l'Spyritus, j'vous l'promet
!... Grâce... j'veux pas mourir... j'veux pas mourir... Soyez bons...
J'peux vous garantir l'gîte et l'couvert gratuitement à chaque fois
qu'vous en aurez besoin si vous vous montrez misé... misi... réri...
cordieux avec nous autres p'tites gens !... Pitié, on a déjà tant
souffert... »


Et tandis que j'essayais de sauver ce qui pouvait l'être, Maraneïs –
jeune colporteur doré prometteur du village qui feintait d'être
endormi jusque là - réussit à se glisser subrepticement derrière Yaum,
le vieillard à la masse, plaquant l'acier froid d'une dague contre sa
gorge et lançant quelques menaces téméraires à la face des chiens qui
nous entouraient. Cependant, on ne menace pas impunément le Prince du
Chaos : les paroles glissèrent sur lui comme la pluie sur une armure,
et en réponse sa hache énorme se leva...

*SSSLAAASH !!*


... littéralement découpée en deux, une pauvre voyageuse dont le seul
tort avait été d'être à la portée du sociopathe, perdit quelques
litres de sang et du même coup la vie. L'assistance fut éclaboussée du
fluide chaud de la pauvrette, moi-même j'en reçu quelques
gouttelettes. La moitié du corps resta un instant ridiculement en équilibre,
hésitant à rejoindre sa moitié déjà au sol, puis glissa d'une manière
écoeurante vers mon parquet qui buvait, qui buvait...
La réponse du monstre était claire.

« Par les très révérées burnes d'Ananke, tempêta alors le monstrueux
personnage, je vous avais prévenus !!
- Si tu veux me tuer, tu vas devoir couper ton ami en deux ! rétorqua
vertement Maraneïs en enfonçant un peu plus la pointe de son arme.
- Et alors quoi ? C'est tout ??? cracha ledit « ami » sans peur
visiblement. Sombre merde !! »


Profitant de la diversion, un autre client de l'auberge s'élança
soudain tel un héros vers l'une des fenêtres : il la traversa à grand
fracas à la vitesse d'un gros caillou et s'étala avec la même grâce en
grognant à l'extérieur. Ni une ni deux, il n'attendit pas qu'on le plante
dans le dos pour se relever au milieu des débris de verre et de détaler
en courant. A l'intérieur cependant, la situation demeurait critique :
rien ne semblait pouvoir arrêter la marche du destin et le massacre
qui se profilait.



[A suivre.]
Belzebuth
Messages : 16
Enregistré le : 22 oct. 2014, 18:03

Re: [HISTOIRE] - Gris sang et cendres vermeilles à Boisdoré

Message par Belzebuth »

Je ne sais pas qui est l'écrivain mystère mais , chapeau !
Il y'a longtemps que je ne m'étais pas régaler d'une histoire
aussi enivrante sur le forum d'un lieu ! Vivement la suite !

Belz
Un pauvre vieux

Re: [HISTOIRE] - Gris sang et cendres vermeilles à Boisdoré

Message par Un pauvre vieux »

Je me réceptionnai tant bien que mal dans un tabouret après cinq
demi-roulades héroïques ; l'un des trois pieds céda, ma hanche hurla
mais tint bon tandis que je torchais d'une main tremblante le ruisseau
pourpre qui partait de mon nez et mouillait le devant de ma chemise.
Le monde tournait autour de moi et l'une de mes dents s'était
déchaussée dans l'affaire. Il fallait dire que le colosse bardé de
cuir qui venait de m'envoyer valdinguer était tout, sauf la douceur
incarnée. Malgré la douleur, malgré les larmes, j'essayais de rester
lucide et brave. Le guerrier du chaos s'avança en faisant se balancer
sinistrement son énorme fléau qui, en d'autres circonstances et avec
moins de bouts de chairs accrochés à ses piques rouillés, aurait fait
un joli lustre. La fumée m'irritait les yeux et la gorge, autour de
moi c'était le chaos : les silhouettes s'entr'déchiraient derrières
les volutes grisâtres, ça hurlait, ça pleurait, ça fracassait à tour
de bras, l'auberge s'était transformée en véritable champ de bataille
- ou plutôt en sordide abattoir - et les sociopathes du volcan s'en
donnaient à cœur joie en dépit d'une résistance acharnée de la part
des petites gens.

Mon belliqueux adversaire contracta ses énormes muscles que
recouvrait une masse de graisse encore plus impressionnante ; mes yeux
ne pouvaient se détacher de son lustre de fer qui bientôt s'écraserait
là où je me trouvais.


Comment en était-on arrivé là ?
Un vieux violenté

Re: [HISTOIRE] - Gris sang et cendres vermeilles à Boisdoré

Message par Un vieux violenté »




Après les insultes, le vieillard aux chicots pourris que tenait
Maraneïs s'était libéré d'un violent coup d'épaule, faisant fi de la
dague aiguisée qui avait bien failli l'égorger ; l'acier avait mordu
profondément la chair mais malheureusement n'avait tranché aucune
veine ; bien que grimaçant et doté d'un second sourire écarlate qui
dégoulinait sans discontinuer, Yaum se dressait plus libre et plus mauvais
qu'une teigne. Ce fut le moment que choisit le Prince du Chaos pour
lancer des ordres cruels qui me glacèrent les sangs :


« Gaara ! Yaum ! avait-t-il tonné de sa voix de caverne souterraine,
fini de rire : on passe au massacre et à la destruction totale ! Pas
de quartier ! Du saaaang ! Du feu ! Des morts !
- Folie ! Folie ! me défendis-je entre deux sanglots, je vous avais
tout donné ! Tout ! Bouhouhou… »


En réponse à mes suppliques plaintives, le géant à la hache
gigantesque avait brisé le goulot d'une bouteille d'un excellent
whisky de seize ans d'âge entre ses crocs mauvais avant d'en boire
deux larges gorgées sans se soucier des éclats coupants puis de jeter
ma précieuse bouteille dans le feu.



*WOOF !*



La brusque bouffée de flammes attaqua les tissus d'un pauvre enfant
qui se tenait près de l'âtre et qui commença aussitôt à courir partout
en hurlant, boutant ci et là des débuts d'incendie, poursuivit par sa
mère effondrée. Comme un seul homme, la quinzaine de sbires commandée
par Eltarion éclata d'un rire gras et désarmant de spontanéité ; l'un
d'entre eux poussa plus loin l'humour et décapita proprement le pauvre
enfant terrorisé qui continua à courir comme un poulet sur quelques
mètres en arrosant sa pauvre mère d'une quantité abominable
d'hémoglobine.

L'adorable tête blonde roula sur le plancher.

Le petit corps mangé de flammèches percuta un mur avant de se
renverser en tressautant et sans cesser de grésiller.





« NaaaOOooooon !... »





Indignés comme rarement il l'avait été, le peuple de Boisdoré se
rebiffa alors ; qui saisissant un tabouret, qui une table, qui un
rouleau à pâtisserie, qui une bouteille brisée contre le comptoir… et
l'affrontement de débuter sous les cris stridents et désespérés de la
pauvre maman hobbite ! Aujourd'hui, c'est tout Boisdoré qui se
soulevait comme un seul hobbit, aujourd'hui, les ennemis d'Asrélia
allaient regretter d'être nés ! Et chèrement ! Bientôt, ce fut un
chaos sans nom qui régna ; les membres mutilés volaient par-dessus les
têtes, les tables se renversaient, les fenêtres se brisaient… Ce fut
un jour de hauts faits d'armes, un jour de terreur et de violence sans
nom, un jour de douleur indicible. On raconte que durant la bataille,
un albinos fou marchait sur les murs en dodelinant la tête et
fredonnant des choses étranges, jouant parfois au chef d'orchestre du
chaos insensible à la pesanteur, parfois à l'araignée blanche et
perverse qui goûtait ce spectacle inédit - évitant ci un couteau qui
fusait vers lui, là un cadavre projeté avec entrain - on susurre qu'au
milieu de ses hommes, un démon en armure fauchait les âmes par
dizaines en un coup de sa hache terrible, prenant le temps de dépecer
les morts sur place et de se repaître de leur chair pendant qu'on
essayait de le faire tomber bas en vain ; d'aucuns décrivent également
un vieillard hideux surgissant de derrière les montagnes de cadavres
et qui écrasait les crânes à grands coups de masse, crachant sur les
corps ratatinés quand il ne s'adonnait pas à de plus obscènes
pratiques encore… ! Mais par-dessus tout, il faut citer le courage
infaillible des petites gens, des colporteurs dorés qui se montraient
plus féroces que le plus féroce des ours, des soigne-feuilles qui
enchaînaient les garrots, arrêtaient les hémorragies sans blêmir, qui
accompagnaient courageusement les mourants pendant que les hobbits
faisaient barrage de leur corps, et même que certains étrangers au
village se dressaient avec nous face à la folie ! J'y étais, tout cela
je l'ai vu de mes propres yeux quand les rideaux de fumée âcre se
perçaient, je puis en témoigner…





Et puis durant la bataille, alors que j'étais occupé à donner des
ordres ici et là, mon oreille perçante saisit soudain le bruit du
plancher qu'on défonçait juste à côté de moi. Une montagne
mi-graisseuse, mi-musculeuse avait essayé de m'assassiner à coup de
fléau laissant à ma droite un trou aussi large et profond qu'un puits,
et me regardait de ses petits yeux porcins ! Voyant que je m'apprêtais
à m'échapper car on avait besoin de mes ordres ailleurs, la brute
balança au hasard sa grosse paluche dans ma direction, escomptant sans
doute m'aplatir sans autre forme de procès. Rapide mais point assez,
je ne réussis pas à échapper au bout de doigts boudinets qui me
fauchèrent et m'envoyèrent bouler dans un tabouret quinze pas plus
loin.


Je me torchais le nez, regardant droit dans les yeux ma mort
s'avancer.


Comment en était-on arrivé là ?
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