Ragots sur le port

[Themis]

Dans la fraîcheur du matin, alors que les premiers badauds se baladaient sur la place du fort, une certaine agitation attira leur attention. Avides de ragots, les plus curieux s'approchèrent alors du remue ménage. La porte d'un bâtiment était ouverte, et l'on pouvait entendre une voix forte :
“ Putain de bordel, Tu me la poses oui ou merde ? Je te demande pas des conseils d'artiste, je m'en tamponne de tes petits dessins, je veux juste cette putain de planche au dessus de ma putain porte, sans déconner, c'est pas compliqué si ? ”
Quelques secondes plus tard, une échelle était placée contre le mur, et un ouvrier se chargeait de fixer une enseigne au dessus de la porte.
“ Chez Marius ”.
Il terminait à peine que les ragots se répandaient dans la cité. Cela faisait des lunes que l'on avait pas vu Marius.
“ Marius ? Le beau pêcheur ? C'est vrai ? Oh la la ...”
En effet si on le voyait d'habitude sur la place du port à gueuler après sa femme, après les passants, ou même après les mouettes, si on le voyait chaque après midi à la taverne à se saouler après une bonne pêche, si on le voyait chaque soir s'écrouler ivre mort contre quelque mur ou fontaine, ou bien encore hurler à la mort devant chez lui suppliant sa femme de le laisser entrer, voilà plusieurs lunes qu'il n'avait pas montré son nez.
Une partie de pêche qui aurait mal tourné disent certains, un coup de rouleau à pâtisserie de sa femme qui aurait était un peu trop fort disent d'autres, un monstre marin qui lui aurait dévorer son cœur ou son âme disent d'autres encore... Bref, les ragots se suivent et ne se ressemblent que peu.
Marius est de retour à la vie. Mais pourquoi a t-il fait monter une enseigne ?

[Grigou]

Un soir, arpentant les docks, offrant une pipe par-ci, un plan à trois par là, marchandant son coup de rein, Grigou fait une pause devant le bâtiment. L'air est chaud, mâtiné de sel et porteur de quelques cris de dockers travaillant tard...

"Chez Marius"

Marius... Marius...? Le Marius ?
Semblant se perdre dans ses pensées, un sourire se dessine peu à peu sur les lèvres de l'homme de joie. De toute évidence, le Marius est l'objet de quelques souvenirs plutôt plaisants.
Il flâne quelques secondes de plus, puis, voyant un marchand lui jeter un coup d'oeil qu'il juge légèrement insistant, il lui jette un regard de prédateur, et s'avance dans sa direction d'une démarche sensuelle. Il dégrafe un bouton de la chemise de lin qui lui colle au corps et laisse glisser ses doigts sur la peau tatouée ainsi mise à nue.

"Salut toi... Tu sais que ce genre de regard me file de sacrés barreaux...? Ma langue sur tes tétons, ça te branche ? Et ensuite tu pourras me..."

Grigou était à présent presque contre le marchand et ses propos devinrent inaudibles pour le reste des badauds. Mais à en juger par le sourire du marchand et la main de l'homme de joie posée sur son paquet, quelques bourses seraient bientôt plus légères et d'autres un peu plus pleines...