Premier contact au pied de la Fournaise

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Mémoires d'un mal

Premier contact au pied de la Fournaise

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**Une jeune femme s'était approchée, marchant péniblement sur les routes cahoteuses, usant ses semelles et ses jambes au long et harassant voyage qu'elle parvenait enfin à terminer. Pâle à la fois de par sa fatigue, mais aussi visiblement de par un teint tout à fait naturel chez elle, la jeune brune, entourée dans sa robe, recouverte d'une lourde cape en laine dont la capuche battait son dos au gré et au rythme de ses pas, laissait perler à son front les gouttes d'une sueur âcre, mêlée de la cendre et de l'air vicié de ce lieu maudit.

A la limite séparant les montagnes du territoire du mal, là où la cendre tombait comme neige sur le monde, là où le ciel était assombri par les torrents de fumées épaisses qui se dégageaient de la Gueule de la Montagne, cette personne, d'une beauté toute particulière, tant son visage semblait pur, tant ses cheveux étaient de jais et tant les défauts manquaient, cette personne en contraste total avec cet endroit, s'était mise à genoux, les bras légèrement écartés du corps, le bout de ses doigts effleurant le sol avec une délicatesse exacerbée, enfonçant légèrement ses ongles dans la couche de cendre couvrant le sol rocailleux.**

"Ananke..."

**Le mot avait été murmuré si bas que le vent se leva pour le porter vers le monde divin. Du moins l'espérait-elle. Soulevant de même quelques mèches souillées de particules cendrées, la brise put un instant rafraîchir l'air environnant, et apporter à la demoiselle un souffle âcre aux odeurs de souffre, tandis qu'elle s'apprêtait à poursuivre d'une voix toujours plus douce.**

"Après mon voyage, mes recherches, j'ai enfin trouvé ce qui s'approche le plus de toi. Mais je voudrais que tu me guide et me protège. Je t'implore de faire de moi ta prêtresse, car ta voix et ta voie seront énoncées et suivies par mon biais."

**De son lointain perchoir surplombant à grande peine un panorama de noirceur et de chaos, elle chuchotait au vent, persuadée qu'elle était écoutée.**

"Ananke..."

**Cette fois, sa voix ne fut plus portée, car à ce souffle le vent avait cessé son œuvre. La prière fut donc prononcée avec plus de force, sans pour autant que la fois ou la résolution n'aient eu à défaillir.**

"Je te prie... Conduis-moi à l'un de tes enfants... Ou conduis l'un d'eux à moi. Je te servirai sur cette terre dans cette forme humaine, usant de ta magie faite de ténèbres, ou des feux de la Fournaise, comme de celle des nécromants pour te servir au mieux et apposer sur ce monde ténèbres et folie, douleur et colère."

**Et elle s'était arrêtée là, fermant les yeux. Au coin de son œil gauche, une arabesque noire aux allures végétales s'étirait jusqu'à sa tempe. Et ainsi, elle attendit sans bouger, seule au milieu de ce décor sombre et hostile. On aurait put croire que cette prière, comme de nombreuses autres, allait être entendue mais ignorée, ou simplement balayée par l'indifférence de l'Unique qu'elle évoquait. Mais ce dernier décida d'en faire autrement.

D'un instant à l'autre, la jeune brune fut éjectée d'un bon mètre en arrière, se convulsant d'une horrible manière. L'atmosphère s'était faite pesante, suffocante presque, juste avant que des frissons ne parcourent son corps entier, accompagnés par une sueur glaciale qui colla ses cheveux à son front et sa nuque, qui provoqua un malaise. Ce n'était qu'alors qu'elle avait failli, tombant à cause d'une force inconnue, et commençant cette espèce de crise, telle une marionnette secouée en tous sens par un enfant énervé.

Et là, quelque chose s'éveilla en elle. Un instinct animal impossible à repousser, un instinct de survie qui lui ordonnait de fuir, tandis qu'elle ressentait comme une étreinte sans que l'on puisse définir s'il s'agissait de celle d'un père... Ou d'un étau.

Mais comme elles étaient venues, cette crise et cette atmosphère disparurent, instantanément, laissant au sol la demoiselle, épuisée et affaiblie. Elle aurait put croire qu'après son long voyage, elle s'était simplement écroulée de fatigue, plongeant dans un songe noir et cruel. Elle aurait pu, si de chacun des orifices de son visage ne s'était pas écoulé des filets de son sang, vermeille, poisseux...

Elle mit un moment avant de rassembler assez de force pour se redresser, reprenant sa position. Elle avait peur, on pouvait n'en être que sûr, et elle avait souffert. Nulle honte, pensait-elle, on ne pouvait pas subir tel contact divin sans éprouver une telle faiblesse. Mais elle rassembla ce qu'il lui restait de force en une dernière prière, hurlant au vent, hurlant au volcan dans un dernier élan :**

"Oui ! Je te crains, et te craindrai toujours. Mais si je dois passer par la douleur et la peur, et même la mort pour te servir, je le ferai ! Tu verras ma forte volonté tienne !

Je n'aurais qu'une chose à te demander en retour ! Laisse moi, Ô Ananke, laisse moi conserver mon enveloppe humaine pour mieux te servir, pour fourvoyer les autres humains ! Ainsi, je pourrais en eux instiller une peur sans visage, laissant ta marque partout sans que l'on puisse même se douter que ce soit moi. Ainsi, longtemps sans que l'on me remarque, je serai ton outil, un outil de torture qui installera douleur et peur !"

**Un dieu le remarquait bien : la peur était omniprésente et flottait lourdement dans ces mots prononcés à haute voix. Mais cette peur était domptée de force tel un animal déchaîné par une froide et intense résolution. La mort elle-même ne ferait jamais faillir sa fois.**
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