Quelques minutes plus tôt seulement voyageait un groupe au pas léger et rapide. Les couleurs qu'arboraient les armures des trois personnages les situaient très vite dans le paysage politique du Sud de ces terres. Combattants de la Lumière, serviteurs de Vénéra, Templiers, c'était, si l'on peut dire, la crème de la crème. Le premier était comme fait pour les contrées vers lesquelles ils se dirigeaient : la brume se personnifiait dans son visage. Le deuxième jurait sur le paysage déjà refroidi des Terres du Sud, et le teint sombre de sa peau portait en lui la promesse d'une sauvage détermination. La troisième était une femme, mais plus que cela, c'était son bagage, un squelette dont les os s'entrechoquaient à chaque enjambées, qui la distinguait. Tous trois faisaient route vers le fort.
Mais à la place du son des armes entrechoquées, de la chaleur douce de la forge, la froideur les accueillit. Les neiges des montagnes de Brumevent et de celles du Monastère ensemble n'auraient pu concurrencer avec la bête qui se trouvait là. Immense, et portant en son sein la certitude d'un éternel hiver, un dragon reparaissait aux yeux du Sud pour la première fois depuis longtemps. Massif ? Bestial ? Ecailleux ? ... Gros ? Le choix de l'adjectif, les trois voyageurs n'eurent pas le temps d'y réfléchir. Le réflexe d'un plus vif qu'eux lui avait permis de prendre ses jambes à son cou, alors que les leurs restaient bel et bien enfoncées dans le sol gelé. Un soldat les rejoignait dans leur ébahissement et dans la panique qui lui succéda. Le temps de la réflexion ne leur fut pas offert que déjà un souffle glacé projeta sur eux des cristaux, que déjà le froid prit possession de leur corps. Le dragon jouait avec les éléments comme le chef d'une taverne avec ses aliments, et c'était un beau dessert que la bête se préparait là. Une coupe de crème glacée chocolat-vanille-noisette garnie d'un peu de chantilly.