Miracle au Château de Brumevent

Écrit le 22 Mars 2000

Armoiries du comte de Brumevent

Le soleil venait de poindre à l'horizon. L'air du petit matin était frais en cette première journée de printemps. Les brumes éternelles baignaient les murs de l'antique bâtisse et l'on ne voyait pas à plus de quelques mètres devant soi. Les soldats du Comte assuraient une garde vigilante. L'assassin mystérieux qui avait tenté de tuer le capitaine Bricktor pouvait revenir… La fatigue d'une nuit sans sommeil pesait à présent sur les yeux et dans l'esprit de ceux qui étaient restés éveillés. Seuls les serviteurs étaient déjà debout, accomplissant leur ingrate besogne avec toute l'opiniâtreté qui caractérise les gens simples.

Un chant étrange s'éleva alors dans les airs. Sur un rythme lancinant, presque hypnotique, dans une langue rauque et incompréhensible, un jeune garçon chantait. Le timbre de sa voix était clair, mais les accents de cet étrange langage l'assombrissaient d'une façon presque sinistre. Tous ceux qui l'entendirent ne purent s'empêcher d'abandonner leurs activités pour prêter l'oreille… Des images de sable, de désert et d'anciens temps aujourd'hui oubliés s'imposaient à eux. Une impression de chaleur étouffante les fit presque suffoquer. Un vertige étrange les saisit, comme si une partie de leurs forces vitales était aspirée par le chant.

Un sourd grondement se fit entendre, et il enfla à mesure que l'intensité du chant diminuait. Les pierres du château se mirent à trembler, la terre même frémit et ondula un instant. Les brumes éternelles se firent plus oppressantes, plus denses et tournoyèrent à un rythme fou. Le vent se mit à siffler comme sous le coup de la colère d'un esprit éolien réveillé en sursaut. L'eau des fontaines de mit à bouillir et explosa en geysers, éclaboussant ceux qui se trouvaient à proximité. Les feux mourants des âtres crurent d'une vigueur nouvelle et des langues de flamme vinrent lécher les plafonds et s'élevèrent haut dans les cieux avant d'enlacer les brumes et de disparaitre en un instant. Les ombres elles-mêmes devenaient folles et se tordaient dans tous les sens, déformant odieusement la forme de leur maître habituel.

Mais d'un coup, tout s'éteint. Plus de bruits, plus d'odeurs, plus de mouvements, plus rien.

Rien hormis une lueur fugace apparaissant à la fenêtre de la chambre du Comte.

Cette lumière venue de nulle part s'intensifia doucement, progressivement, et acquit une blancheur éclatante. Des torrents de lumière semblaient sortir de cette chambre. Les gardes présents dans le donjon ne pouvaient pas entrer, car même les yeux fermés, cette lumière formidable brûlait les rétines et menaçait d'aveugler les hommes… qui dans leur délire et leur douleur croyaient entrevoir les portes du paradis promis aux âmes pures.

Un hurlement de douleur et d'effroi se fit entendre. Un cri de désespoir. La lumière se fit plus dense, plus intense, presque palpable. Et dans une explosion de clarté virginale, elle disparut.

Les yeux encore pleins d'étoiles et les membres tremblants, certains osèrent entrer dans la pièce. Celle-ci était éclatante de propreté. Elle semblait refaite à neuf et resplendissante. Les fleurs des bocaux étaient écloses et riches des couleurs de l'été. Les soieries décorant la pièce semblaient sortir de l'atelier du tisserand le plus doué. Le comte lui-même semblait plus grand, plus jeune, en bien meilleure santé. Quatre hommes étaient présents dans la pièce. Deux gardes et deux jeunes gens (un guerrier et un mage). Leurs vêtements, hier froissés et usés, semblaient aujourd'hui resplendir de propreté et eux-même semblaient en parfaite santé.

Le Comte dormait et Melchior, l'un des gardes, l'observait, en proie à l'incompréhension. Cypher, le jeune guerrier, regardait tout autour de lui avec méfiance, comme s'il ne parvenait pas à accepter la réalité de ce qui s'était passé. Il revoyait encore les puissances magiques qui avaient pénétré la pièce de toutes parts avant de frapper le jeune mage et la lumière éblouissante née de ses mains se répandre dans la pièce jusqu'à transformer l'univers en un néant immaculé. Leinhardt, l'autre garde, souriait. Il posa la main sur l'épaule du jeune mage, un mot de félicitations aux lèvres. Il s'interrompit en voyant le désespoir qui baignait ses yeux de larmes.

“J'ai échoué”.

Ce fut ses seuls mots avant qu'il ne quitte la pièce en silence, sans que personne n'ai le cœur de l'arrêter. Il sortit du donjon et traversa le château, notant avec amertume que la bâtisse elle-même semblait différente, régénérée. Il songea avec amertume qu'elle n'abriterait probablement plus jamais un tel déchainement de puissance, qu'il ne sut contrôler et diriger sur le Comte. Une puissance sauvage qui s'échappa en tous sens.
“La magie est une force brute et d'une violence inouïe”, songea-t-il. “Celui qui affirme pouvoir la contrôler est un sot et un vantard.”

Quelques minutes après, le Comte quitta son lit et se mit à marcher. Sans l'aide de sa canne. Il semblait avoir retrouvé la vigueur de ses vingt ans…

background/histoires/miracle_au_chateau_de_brumevent.txt · Dernière modification : 18/08/2022 08:07 de 127.0.0.1
Haut de page
CC Attribution-Noncommercial-Share Alike 4.0 International
chimeric.de = chi`s home Valid CSS Driven by DokuWiki do yourself a favour and use a real browser - get firefox!! Recent changes RSS feed Valid XHTML 1.0