Le siège de la Baie

Par Merlin (écrit le 19 Mai 2001)

Le printemps venait de chasser l'hiver. Les derniers flocons de neige étaient tombés. La Nature renaissait. Ainsi va le cycle des saisons et l'ordre naturel. Il en va de même pour les hommes. Ils restent à l'abri chez eux durant l'hiver, craignant de succomber au froid et aux intempéries pour ressortir au printemps, cherchant à accomplir leur destin. Pour le peuple, les épreuves changent de nature, mais la vie est constamment difficile. Aux rigueurs de l'hiver succèdent celles de la guerre.

Muse, chante la colère de Bargûl l'Infâme, cette funeste colère qui précipita dans les sombres demeures de la Mort tant de jeunes odysséens qui ne demandaient qu'à vivre.

Tout commença lorsque Hyry, la farouche guerrière, attaqua un sorcier noir au croisement des marécages dans un geste de pure vanité. Le pauvre gobelin sombra dans l'inconscience et faillit échouer dans les geôles de la grande cité de la Baie. Lorsqu'il apprit cela, le ténébreux maître de l'Ordre Noir entra dans une colère noire. Les marais étaient depuis toujours le territoire de la Tour et rien ne justifiait à ses yeux cette agression. Le Sombre Seigneur convoqua ses fidèles serviteurs. Il les convoqua des quatre coins du monde et fit appel à ses alliés pour lever une grande armée.

En quelques semaines, l'Ordre Noir était réuni. Sans que quiconque à la Baie n'ait perçu le danger, les troupes s'accumulaient dans la Tour. Les Guerriers du Chaos avaient répondu présents à l'appel. Des mercenaires avaient été engagés. La Grand Faucheuse hurlait dans son lugubre palais car il serait bientôt temps pour elle de moissonner ces tristes vies offertes en sacrifice sur l'autel de la guerre.

Quelques espions furent envoyés dans la cité, mais ils furent découverts, arrêtés ou tués. Mais les défenseurs de la Lumière dormaient encore sur leurs deux oreilles. Ils furent réveillés en sursaut par un jeune écuyer du Temple nommé Lodhran, qui le premier découvrit les armées ennemies en marche.

Muse, chante la colère de NetRunner, le Seigneur du Chaos, qui offrit la vie sauve aux citoyens de la Baie en échange de la destruction du Temple de Vénéra et de la mort de ses serviteurs. Chante aussi le courage des défenseurs qui refusèrent tout compromis, prêt à mourir plutôt que de transiger.

Le Haut Conseil de la Baie offrit à l'intendant Aerox le commandement suprême des troupes pour la bataille qui s'annonçait, comme les accords entre la cité et le Fort le stipulaient. Anarchos, le renégat du Fort, poussa la population à se libérer de l'emprise de ceux qu'il nommait les tyrans, en vain. Sans doute croyait-il en ce qu'il disait. Mais il fut le seul. Les portes furent fermées et la masse noire et grouillante des assaillants se massa sous les murs, attendant avec impatience l'inévitable sortie des défenseurs qui leur laisserait une chance de pénétrer à l'intérieur des murs. De pauvres voyageurs comme Alinoée furent hélas abandonnés à la furie des hordes du Chaos. Les gardiens du mur serrèrent les dents en fermant les yeux, sans parvenir à effacer de leur mémoire les cris atroces des suppliciés frappés à mort par des tueurs comme Flint.

Les dieux se penchèrent sur le champ de bataille, pariant sur les chances de leurs serviteurs. Vénéra et Ananke étaient comme toujours opposés, jouant de provocation et excitant les ardeurs de l'âme de leurs fidèles. Hôrosis se préparait à accueillir les défunts qui viendraient bientôt frapper à sa porte par milliers. Furrinus observait sa balance, sur les plateaux de laquelle le destin des deux camps, gardant comme toujours pour lui ce que le futur réservait aux mortels et à leurs divins inspirateurs. Seul Kain se réjouissait, car quelque soit le parti triomphant, le carnage serait intense et la bataille, elle, serait mémorable.

Jamais armées plus importantes ne se sont rencontrées sur les terres odysséennes. De mémoire d'homme, ce fut la plus grande des batailles. Des dizaines de héros se rassemblèrent de part et d'autre des murs, prêts à sacrifier leur vie pour leur idéal. Dans le ciel de sombres oiseaux planaient. Des oiseaux ? Non… de plus terribles créatures : les gargouilles de la Fournaise, envoyées par Balkiel massacrer autant de serviteurs du Bien que ce serait possible. Les champions de toute obédience fourbissaient leur armes, souriant par avance des combats à mener, des victoires à connaître, évitant de penser à la Mort qui rôdait. La mêlée commença le lendemain de l'arrivée des assaillants, à l'aube. Elle fut terrible et sans merci.

En première ligne, bravant tous les dangers, le juge Malphas et ses Officiers de Justice chargèrent. Le choc de leur élan brisa le front des troupes amassées mais ils payèrent cher cette première victoire. Mandrak, un avoué de Justice, fut le premier à tomber. Kerrigann et Foulek tentèrent de protéger de leurs lames le corps de leur audacieux compagnon, mais en vain. Arthanal, quand à lui sans doute motivé par une force surnaturelle, frappa dans la masse des combattants et ses coups dépassaient largement par leur nombre plutôt que par leur qualité la limite couramment admise…

Soudain, suivant le cri rauque des trompettes de guerre, vint la charge des troupes de la Baie. Aerox et ses soldats rejoignirent les forces du Tribunal. Ensemble, les deux leaders attaquèrent Netrunner, le redoutable Seigneur du Chaos. Ce dernier venait d'abattre Robin, un prestidigitateur ayant malheureusement croisé son chemin. Croisant le fer avec les deux champions de la Baie, Netrunner s'imaginait déjà triompher sur leurs deux cadavres martyrisés et cela aurait pu arriver s'il avait pu résister au déchaînement d'arcanes et de coups qui résulta de l'entrée en scène d'Hyry et de sa milice. La redoutable maîtresse d'armes des arènes pénétra la mêlée en faisant de terribles ravages dans les rangs des assaillants. Anarchos tomba sous ses coups et Blue Devil également. Elle subit sans broncher les attaques nécromantiques d'une grande gargouille et marcha sur elle pour provoquer une sanglante étreinte.

Un cri déchirant traversa le champs de bataille déjà jonché de cadavres. Anarchos venait de succomber à un coup de lance d'Aerox. Mais ce hurlement venait de NetRunner. Sous les assauts de tant d'ennemis, le Seigneur du Chaos plia. D'un dernier éclair, Malphas l'abattit et s'empara de sa masse d'arme ténébreus qu'il leva au ciel en un geste de défi. Galahad s'empara de son armure… La bataille était-elle terminée ? Les assaillants avaient-ils déjà perdu ? Galahad tenta d'expédier le terrible NetRunner au Royaume des Morts mais il en fut empêché par une gargouille qui se mit en devoir de protéger son corps.

Pourtant, rien n'était encore joué. Alors que Vénéra semblait triompher, Ananke préparait déjà sa revanche. Un nouveau cri survint. Les yeux vitreux, Hyry tomba. Glum le gobelin et l'élémental absolu, venus en renfort de la Tour, concentrèrent leurs coups sur la championne de la Baie. Affaiblie, cette dernière ne put résister aux attaques de la gargouille qu'elle combattait et elle tomba à son tour. La bataille tournait à l'avantage des attaquants. Shasthar, le général des troupes venues de la Tour, fit lui aussi de grands ravages. Plusieurs combattants tombèrent sous ses coups et ceux de ses compagnons, dont un brave soldat nommé Krumpf et la jeune Sigil. Il tomba à son tour, sous un déluge de coups. Malgré les grands efforts fournis par Kentauros, Xyalle, Alkavar et d'autres, Arpangan eu la chance de donner le coup de grâce et, s'emparant des biens du Sorcier Noir, il s'empara aussi de toute la gloire de cette victoire.

Tout était joué ou presque. Bien peu de combattants tenaient encore debout et la plupart étaient des défenseurs. Les hordes de la Fournaise avaient fait de terribles ravages dans les rangs de leurs ennemis, mais Lesfrat Korminus, Maxel, Clynd, Yerger River et tant d'autres étaient tombés, inexorablement, l'un après l'autre. Les troupes de la Tour avaient elles aussi subi de grosses pertes. Saur Krakham avait payé sa fidélité de sa vie. Havoc GrimBlade, Mabelrode, Feanor, Seishiro, Laminoir, Rita… tant de braves périrent.

Est-ce manquer de respect aux forces de la Baie que de rendre honneur à leurs valeureux combattants ? Nombreux furent ceux qui se bâtirent avec courage, mais peu en fait tombèrent sans être réanimés par leurs alliés. Krumpf, hélas, quant à lui, échoua entre les bras de la Faucheuse. Arilan et ses Templiers firent preuve d'un grand courage au combat, comme on s'y attendait de leur part. De nombreux hommes libres participèrent à la défense, par conviction ou désir de voir la cité rester libre et préservée du pillage. Pourquoi citer certains plutôt que d'autres ? Raph et Le nomade se sont distingués par leur courage et leur valeur au combat. Ils en seront remerciés.

L'un après l'autre, de grands champions ennemis de la Baie tombèrent. Un guerrier solitaire portant dent de dragon autour du cou frappa à mort l'une des gargouilles, achevant ainsi de briser l'espoir des assaillants. Lorsque vinrent les derniers renforts militaires, commandés par le général Fang en personne, tous les combattants savaient que la bataille était jouée. Chacun savait alors qu'il lui fallait à présent sauver sa vie et nombre de combattants quittèrent le champs de bataille pour se mettre à l'abri, sous les quolibets de fiers guerriers comme Laca d'Esfront ou de combattants arrivés tardivement comme Gogeta.

Les pavillons de Brumevent se joignirent eux aussi à la bataille, les nobles chevaliers du castel dispersant les ultimes contingents des assaillants tandis que parmi les défenseurs, même les plus modestes guerriers (mais non des moindres) se réjouissaient, comme Kern de Phlan, d'être encore en vie. D'ultimes actes de guerre survinrent, comme l'assassinat traîtreusement commis d'Eldoron, un druide s'étant joint aux forces de défense. Dans la mêlée furieuse, un homme nommé Morphéus jura avoir vu un soldat nommé Darius l'empaler sur sa lance pour l'envoyer rejoindre le Royaume des Morts.

Après six assauts de part et d'autres, la furie des combats s'atténua. Les flots de sang se tarirent et un jeune elfe crasseux nommé Zifael se plaça au devant des portes et annonça la victoire des défenseurs. Les hurlements de joie des citoyens lui répondirent.

Chante muse, chante la gloire des guerriers de la Baie toujours victorieux. Car il est dit que jamais la cité de Vénéra ne tombera aux mains de ses ennemis. Chante le triomphe des serviteurs de la Justice et tremble. Tremble car les serviteurs du Mal n'ont subi qu'un revers. Les défenseurs ont usé jusqu'à leurs dernières forces, sans être certains d'avoir été confrontés à l'ensemble de celles de l'ennemi…

Les clameurs de la bataille s'étaient apaisées. C'est le moment que choisi Balkiel pour lancer sa véritable attaque. Alors que les guerriers et les mages commençaient à souffler, les gargouilles de Balkiel apparurent dans le ciel. Jamais de mémoire d'homme ces monstres n'avaient quitté la Fournaise. Mais là, ils tombèrent du ciel et frappèrent les hommes durement éprouvés. Arilan, le grand prêtre de Vénéra, fut pris dans un filet et emmené. Très vite, les monstres repartirent, laissant aux défenseurs de la Baie un goût d'inachevé dans la bouche. Et si la bataille elle-même n'avait été qu'une diversion, pour mieux s'emparer de ce grand homme, afin de permettre à quelque noir dessein de s'accomplir ?